- giraudjeanbaptiste0
- 25 juil.
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Le 15 Juillet 2025, le Conseil Affaires Étrangères de l’Union européenne s’est une fois de plus révélé incapable de prendre la moindre décision au sujet de « la situation » de Gaza - c’est à dire au sujet des massacres de population et de la destruction systématique de toutes les infrastructures d’habitation, de santé, d’alimentation en eau et électricité, etc .. auxquels s’y livre l’armée israélienne avec une virulence sans cesse accrue. On vient d’autre part d’apprendre que - dans le cadre du programme Horizon - l’UE finançait d’importants programmes d’armement d’Israël susceptibles d’être utilisés dans le conflit de Gaza…(1) Ces révélations confortent les soupçons que d’importants intérêts économiques peuvent expliquer les réticences de certains gouvernements à mettre en cause les relations avec Israël.
Les seules mesures proposées jusqu’ici par la Présidente du Conseil, Mme Kallas, étaient relatives à la suspension totale ou partielle de l’accord d’association UE-Israël - par ailleurs basé sur … le respect du droit humanitaire et international. Aucune d’entre elles n’a été sérieusement débattue et l’ « affaire » a été renvoyée à la prochaine réunion du Conseil … en Octobre 2025. Entre temps, au rythme actuel des hostilités, plusieurs milliers de victimes supplémentaires - notamment causées par l’état de famine à présent déclaré - se seront ajoutées aux quelques 60.000 recensées à ce jour.
Longtemps indifférentes ou mesurées, la presse et l’opinion publique européennes sont à présent alertées et alarmées de sorte que la question de la responsabilité - voire de la complicité - des dirigeants européens est à présent ouvertement posée avec de plus en plus d’insistance.
Le responsable principal de l’inaction de l’UE est le Conseil - seul à même de prendre des décisions telles que des sanctions envers l’État d’Israël ou la suspension de l’accord d’association. Toutefois, sa responsabilité en tant qu’Institution ne pourrait être évoquée que par la voie juridictionnelle - en l’occurrence par un recours en carence devant la CJE éventuellement intenté par le Parlement ou par un État membre. La longueur d’une telle procédure et son issue très aléatoire font que sa mise en cause éventuelle serait sans effet rapide et effectif sur le terrain. (2)
La responsabilité de la Commission pourrait-elle être invoquée ? En matière de politique étrangère, la Commission ne dispose que de pouvoirs d’exécution des décisions du Conseil et des accords internationaux. Dans ce cadre très limité - et compte tenu du refus d’agir du Conseil - elle peut difficilement être mise en cause au moins sur le plan juridique. Politiquement, il pourrait toutefois lui être reproché de ne pas avoir pris de position plus ferme à l’égard des violations du droit humanitaire et international commises par l’État d’Israël : dans ce cas, il appartiendrait au Parlement européen de l’interpeller voire d’envisager une motion de censure.
Mais on voit bien que ces différentes voies ne sont guère adaptées à la nature et à l’urgence de la situation. Le blocage institutionnel de l’UE - reflétant celui des États membres - est tel que seule une mesure de nature exceptionnelle aurait quelque chance de débloquer la situation. Dans des cas de ce type, c’est parfois une initiative individuelle qui, en désespoir de cause, peut mettre publiquement les autorités devant leur responsabilité et les inciter à réagir.
En l’occurence, la personnalité la mieux placée pour prendre une telle initiative serait celle qui cumule les fonctions de Présidente du Conseil, de Vice Présidente de la Commission et de Haute Représentante l’Union. Ayant échoué à convaincre ces Institutions des conséquences désastreuses de leur carence - en premier lieu vis à vis des victimes du conflit mais aussi sur le rôle et l’image de l’UE sur la scène internationale - elle pourrait décider de ne plus en partager la responsabilité et de s’en désolidariser. En annonçant donc publiquement son intention de renoncer à poursuivre ses fonctions dans un tel contexte, Mme Kaja Kallas pourrait provoquer le choc nécessaire à une réaction politique des gouvernements en les contraignant à ré-examiner d’urgence le dossier palestinien. Le triple titre que le Traité attribue au Haut Représentant font de lui (ou d’elle) un personnage politique de haut rang qui doit préserver sa liberté d’opinion et de conscience - et donc celle de refuser de conduire et cautionner une politique (ou une absence de politique) injustifiable et, finalement, coupable. Un tel geste serait d’ailleurs probablement accueilli favorablement par une large partie de l’opinion de plus en plus déçue - voire exaspérée - par la paralysie de l’Europe face à un désastre humanitaire qui se déroule quotidiennement sous ses yeux.
Aussi douloureux et révoltant soit-il, le cas particulier et géographiquement limité de la question palestinienne justifie-t-il de prendre le risque de déclencher une crise institutionnelle au sein d’une Union par ailleurs confrontée à des problèmes géo-politiques de grande ampleur ? Il appartient aux dirigeants européens - et en premier lieu à la Haute Représentante - de se déterminer en leur âme et conscience.
Jean-Guy Giraud
26 - 07 - 2028
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(1) voir : https://euobserver.com/eu-and-the-world/ar3d4c0186?utm_source=EUobserver+Newsletter&utm_campaign=bc97b88b26-EMAIL_CAMPAIGN_2025_07_25_07_23&utm_medium=email&utm_term=0_8f318ca8da-bc97b88b26-112985041 et https://www.lecho.be/economie-politique/europe/general/des-fonds-europeens-de-recherche-financent-la-defense-israelienne/10609758.html
