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LA «PÉTRIFICATION» CONSTITUTIONNELLE



Un excellent article paru dans le « Verfassungsblog on matters constitutional » (1) traite du risque de « pétrification » des textes constitutionnels dès lors que les modalités de révision de ces textes s’avèrent trop exigeantes, voire en pratique hors de portée.



L’auteur traite d’abord de la Constitution américaine ...

Il relève que, dans plusieurs cas, la Constitution - telle qu’adoptée en 1787 - comporte de nombreuses faiblesses relatives par exemple à l’élection du Président (le système de l’ « Electoral College »), au mandat à vie des membres de la Cour Suprême, à la durée trop limitée du mandat des membres de la House of representative (2 ans), à la composition du Sénat ( 2 membres par Etat quelles que soient leurs populations), au droit de porter des armes (« Gun Law » ), etc …


Il ajoute que, au surplus, la Cour Suprême dans sa composition actuelle impose une interprétation restrictive et conservatrice ( dite « originaliste ») de la Constitution, empêchant son adaptation aux réalités contemporaines.


Et il note que, en dépit de ces faiblesse, toute réforme substantielle de la Constitution apparait improbable dans la mesure où elle exige une majorité des deux tiers des membres du Congrès pour l’initier et l’approbation des trois quarts des Etats pour la ratifier.


James Madison avait estimé que les règles de révision constitutionnelle prévues par l’article 5 de la Constitution (2) devaient protéger "equally against that extreme facility which would render the Constitution too mutable; and that extreme difficulty which might perpetuate its discovered faults” (3).


L' auteur constate que cet équilibre n’a pas été atteint - que le principe de préservation l’a emporté sur celui de l’adaptation et qu’il en est résulté une véritable pétrification de la Constitution américaine « which no longer allows an adequate reaction to recognized errors, changed requirements, values and framework conditions ».



… et aborde ensuite les traités européens

Il constate d’abord que l’ordre constitutionnel européen actuel nécessiterait également des modifications substantielles pour s’adapter à de nouvelles réalités et notamment au fort accroissement du nombre de ses membres. Il souligne les problèmes posés par le processus décisionnel insuffisamment démocratique et lié, pour les décisions les plus importantes, à l’accord unanime des Etats.


Et il relève que les modalités de révision des traités sont encore plus restrictives dans la mesure où « every change to the founding treaties requires approval and ratification in all member states of the Union and in some cases also the approval not only of the legislative bodies but also of a referendum ».


De sorte que la pétrification annoncée des traités européens constitue une menace de paralysie - voire de conflits internes - analogue à celle qui pèse sur le système américain.




Qui pourrait en effet nier que certaines dispositions actuelles des traités actuels s’opposent à la réalisation des objectifs contemporains de l’Union ?


Plus généralement, qui pourrait soutenir que le Traité de Lisbonne - conçu à l’origine pour une Union de 17 Etats membres, aujourd’hui applicable à 27 et susceptible de s’élargir jusqu’à 37 - demeure adapté à un tel saut quantitatif aussi bien qu’à un fort accroissement de son hétérogénéité ? Qui pourrait prétendre que ce Traité, dans sa forme actuelle, permettra à l’Union d’affronter les défis de toutes natures posés par les transformations de son environnement international et même de son évolution interne ?


A la vérité, personne. La seule raison qui motive le blocage actuel d’un aggiornamento réside non pas dans l’appréciation de sa nécessité (très largement reconnue) mais dans l’impossibilité d’y procéder faute de toute perspective d'accord unanime.


La pétrification s’installe - le délitement pourrait suivre.



Jean-Guy Giraud 12 - 11 - 2022


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(2) Article V

The Congress, whenever two thirds of both houses shall deem it necessary, shall propose amendments to this Constitution, or, on the application of the legislatures of two thirds of the several states, shall call a convention for proposing amendments, which, in either case, shall be valid to all intents and purposes, as part of this Constitution, when ratified by the legislatures of three fourths of the several states, or by conventions in three fourths thereof, as the one or the other mode of ratification may be proposed by the Congress; provided that no amendment which may be made prior to the year one thousand eight hundred and eight shall in any manner affect the first and fourth clauses in the ninth section of the first article; and that no state, without its consent, shall be deprived of its equal suffrage in the Senate.

(3) Federalist paper n° 43 (extract) :

"To provide for amendments to be ratified by three fourths of the States under two exceptions only. ''That useful alterations will be suggested by experience, could not but be foreseen. It was requisite, therefore, that a mode for introducing them should be provided. The mode preferred by the convention seems to be stamped with every mark of propriety. It guards equally against that extreme facility, which would render the Constitution too mutable; and that extreme difficulty, which might perpetuate its discovered faults. It, moreover, equally enables the general and the State governments to originate the amendment of errors, as they may be pointed out by the experience on one side, or on the other. The exception in favor of the equality of suffrage in the Senate, was probably meant as a palladium to the residuary sovereignty of the States, implied and secured by that principle of representation in one branch of the legislature; and was probably insisted on by the States particularly attached to that equality. The other exception must have been admitted on the same considerations which produced the privilege defended by it.

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