La Charte des Droits Fondamentaux de l’UE fête son vingtième anniversaire le 7 décembre 2020. Elle fut en effet signée et proclamée par les Présidents du Parlement, du Conseil et de la Commission à l’occasion du Conseil européen de Nice le 7 décembre 2000.
Elle devait être ensuite annexée en 2007 au Traité de Lisbonne et devenir ainsi - au même titre que le Traité lui-même - un source de droit primaire de l’UE, revêtant ainsi un caractère proprement constitutionnel.
Un précédent réussi
Si le contenu de la Charte et le rôle qu’elle a joué au sein de l’Union ont fait l’objet de nombreuses études, la méthode très novatrice utilisée pour sa rédaction mérite aussi d’être relevée.
En effet, le modèle de “Convention” inventé à cette occasion est directement à l’origine de celui utilisé par la deuxième Convention qui rédigea le projet de Constitution de 2003 sous la Présidence de Valéry Giscard d’Estaing ainsi qu’à la création, par le Traité de Lisbonne en 2007, de la "Convention chargée de la préparation de la révision des Traités"(article 48§3 TUE).
Ce sont les Conseils européens de Cologne puis de Tampere en 1999 qui ont lancé le processus de rédaction de la Charte. Leurs conclusions ont notamment fixé la composition - très originale - de l’”enceinte” chargée de la rédaction (1) et prévu quelques modalités générales de travail. Installée en décembre 1999 elle se termina en octobre 2000 - soit environ 7 mois de travaux effectifs
Une méthode novatrice
Mais, pour l’essentiel, c’est l’“enceinte" elle-même qui a décidé librement de sa propre organisation - ce qui l’a amenée à “inventer” des notions et des procédures qui serviront ultérieurement de modèles.
Au tout début des travaux, l’ “enceinte” (en anglais “body”) a décidé de se baptiser “Convention” en référence à des processus constitutionnels historiques européens et américain (cf. la Convention de ... Philadelphie de 1787, déjà!).
Elle a évité un cloisonnement entre les 3 délégations (Gouvernements, PE, Parlements nationaux) en plaçant tous les délégués par ordre alphabétique dans l’hémicycle afin de faciliter leurs échanges.
Elle a confié à son Presidium (le Président et trois Vice Présidents) le soin d’élaborer un avant-projet avec l’aide d’un Secrétariat émanant du Conseil et du PE.
Elle a mis au point un mécanisme d’adoption graduelle puis finale du texte basé sur la recherche et la constatation itératives de consensus sans procéder à des votes formels.
Elle a pris l’initiative de consulter des organisations de la société civile, de délibérer en public et de rendre publics au fur et à mesure tous ses travaux préparatoires, etc ...
Notons également que, dans la pratique, c’est la délégation du PE qui - étant la mieux préparée (2) - a joué un rôle prépondérant dans les débats qui se tinrent principalement dans ses locaux et utilisèrent largement sa logistique.
(Tous ces éléments sont soigneusement répertoriés et analysés dans une remarquable note rédigée par Mme Florence Deloche-Gaudez) (3)
De la Convention de 2000 sur la Charte à la Conférence de 2021 sur l’avenir de l'Europe?
Il se trouve d’ailleurs que la Convention sur la Charte s’est tenue en même temps que la Conférence intergouvernementale (CIG) qui a préparé le Traité de Nice (Février/Décembre 2000). On sait que cette CIG, de type classique, s’est avérée bien moins performante que la Convention et que les principales réformes ont été reportées à un stade ultérieur.
Et c’est sans doute pour cette raison que le Traité de Nice a lui-même prévu que la prochaine révision serait précédée et préparée par une Convention du même type que celle qui avait rédigé la Charte. C’est ainsi que naquit la Convention de 2002/2003 - présidée par Valéry Giscard d’Estaing - qui adopta le projet de Constitution européenne finalement repris en grande partie par le Traité de Lisbonne. Traité qui institutionnalise la pratique d’une Convention préparatoire à toute révision des traités.
Tout ceci amène évidemment à réfléchir sur la forme et le rôle de la future “Conférence sur l’avenir de l’Europe” qui doit se réunir en 2021 en vue de préparer une éventuelle et nouvelle révision des traités. Nul doute que, à cette nouvelle occasion, le “modèle” de la première Convention de 2000 ne soit à nouveau évoqué.
En conclusion, pour tous ceux qui ont participé directement aux travaux de cette Convention (4), cette expérience novatrice et visionnaire s’est avérée stimulante et constructive - et l’institutionnalisation ultérieure de cette procédure a récompensé leurs efforts.
Jean-Guy Giraud 06/12/2020
Chronologie
- Octobre 1999 : Conseil européen de Tampere
- Décembre 1999 / Octobre 2000 : Convention sur la Charte
- 7 Décembre 2020 : signature et proclamation de la Charte
- Février 2000 / Décembre 2000 : CIG préparatoire du Traité de Nice
- Février 2001 : signature du Traité de Nice
- Février 2002 / Juillet 2003 : Convention sur le projet de Constitution européenne
- Octobre 2004 : signature du projet de Traité d’Union européenne
- 1 Janvier 2009 : entrée en vigueur du Traité de Lisbonne
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(1) 62 membres dont 15 représentants des Chefs d’Etat et de Gouvernement - 16 membres du PE - 30 représentants des parlements nationaux - 1 représentant du Président de la Commission. D’autre part, deux représentants de la CJE et du Conseil de l’Europe siégaient comme observateurs
(2) délégation présidée par M. Mendez de Vigo (ESP/PPE) qui a activement orienté les travaux préparatoires du Presidium
(3) https://institutdelors.eu/wp-content/uploads/2018/01/etud15-fr.pdf voir aussi : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charte_des_droits_fondamentaux_de_l%27Union_européenne
(4) Y compris pour le secrétariat de la Convention dirigé par M. Jean-Paul Jacqué pour le Conseil et M. Jean-Guy Giraud pour le PE.
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