Le partenariat “stratégique" Canada/Europe
Le Conseil vient de publier le texte de la déclaration commune adoptée lors du sommet Canada-UE à Montréal les 17/18 Juillet 2019 (1).
Cette déclaration se situe dans le contexte du double accord conclu en Octobre 2016 :
l’accord sur un "Partenariat Stratégique” (SPA)
l’accord "global sur les relations économiques et commerciales” (CETA)
Elle se situe principalement dans le contexte du premier accord (SPA) : elle ne traite pas des questions proprement commerciales (CETA) mais dresse une liste impressionnante de domaines “stratégiques” dans lesquels le Canada et l’UE s’engagent à coopérer.
Une série impressionnante de domaines concernés
Cette longue liste de 44 points est tout à fait remarquable tant par l’importance et la variété des sujets abordés que par la ferme volonté de coopération entre les deux parties qu’elle manifeste.
Nous en reprenons ici en résumé, pour illustrer notre propos, les principaux éléments :
engagement en faveur d'un ordre international basé sur le multilatéralisme, la démocratie et l’état de droit,
promotion des droits humains et et des libertés fondamentales à tous les niveaux,
coopération sur de nombreux sujets d’intérêt commun tels que : la lutte contre le terrorisme et la violence extrêmiste, la non prolifération, l’énergie propre, les droits sociaux, les migrations (…),
préservation par le CETA de la possibilité laissée aux gouvernements de légiférer en faveur de l’intérêt public, notamment dans les services publics et les secteurs tels que l’environnement, la culture, la santé, la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs,
promotion des opportunités commerciales pour les PME,
accord sur un nouveau Passenger Name Record (PNR) commun au Canada et à l’UE,
soutien au rôle indispensable de l’OMC, à son renforcement et à sa modernisation (y compris pour le déblocage du système de règlement des différents),
réaffirmation du caractère universel de l’Agenda 2030 pour un développement soutenable et du nécessaire respect de l’accord de Paris sur le climat,
coopération en matière d’Intelligence Artificielle (AI), centrée sur l’individu et la participation de tous les acteurs (“multi-stakeholder approach”),
action commune pour faire face aux effets du changement climatique dans l’Arctique, pour protéger les océans (“Canada-EU Ocean Partnership”), la bio-diversité et la transition énergétique,
poursuite de la coopération C/UE dans les opérations de maintien de la paix (Ukraine, Palestine, Mali, Iraq)
soutien du Canada au renforcement de la coopération OTAN/UE,
forte opposition à l’application extra-territoriale de mesures restrictives unilatérales contraires au droit international,
condamnation commune de l’occupation illégale de l’Ukraine par la Russie et des actions agressives perpétrées par celle-ci (saisies de navires et détention de marins ukrainiens),
soutien commun à l’accord nucléaire iranien et aux résolutions de Conseil de sécurité reconnaissant cet accord,
positions communes sur d’autres crises ou conflits (Venezuela, Chine, Syrie)
promotion de la coopération internationale en matière de migration.
Une sorte d’alliance politique
En fait, cette déclaration illustre le fait que ce “Partenariat Stratégique” constitue une sorte de traité d’alliance politique entre l’UE et le Canada - alliance fondée sur une “vision partagée du monde, sur des valeurs et des objectifs communs”.
La plupart des engagements pris sont en opposition directe - souvent explicite - avec les politiques actuellement suivies par les principales puissances mondiales telles que les États Unis, la Russie ou la Chine.
Il s’agit véritablement d’une forme d’engagement commun en faveur d’un ordre mondial “libéral” (au sens politique du terme) de plus en plus contesté par ces mêmes puissances et que l’UE s’efforce de soutenir et de faire partager à de rares “alliés”.
Par delà les critiques ponctuelles et souvent exagérées faites à l’encontre du volet commercial (CETA) des accords Canada/UE, il pouvait être utile de se hisser au niveau de la “big picture” - celle d'un partenariat stratégique transatlantique exceptionnellement étroit fondé sur une vision commune de l’ordre et des relations internationaux.
Un jour peut-être sera-t-il possible de faire (re)venir les États-Unis dans une telle orbite. En toute hypothèse, l’arrimage du Canada au “bloc” libéral réalisé par cet accord est une grande réussite de l’UE (2) qui méritait d’être ici soulignée.
Jean-Guy Giraud 20 - 07 - 2019
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(2) sur le plan institutionnel interne de l’UE, cet accord est un cas exceptionnel et exemplaire de réussite diplomatique conjuguée du Conseil et de la Commission.
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