“Nous sommes d’accord pour que les Vingt-Sept ensemble lèvent de la dette avec une signature et une garantie commune.Secundo, nous sommes d’accord pour que cet argent soit utilisé, non pas pour faire des prêts à d’autres États, mais bien pour faire destransferts financiers, et doncdoter un budget exceptionnel d’urgence (…)
Ce serait la première fois qu’on accepte de faire des emprunts pour faire des transferts budgétaires au sein de notre union (…).
"Cet accord ne suppose pas aujourd’hui de réforme des traités. Nous avons trouvé des bases légales dans les traités existants. Au fond, les traités nous empêchent, quoi : d’avoir un budget en déséquilibre. Mais ils ne nous empêchent pas formellement de lever ensemble des prêts, il y a silence sur le sujet. Donc notre analyse c’est que c’est possible. C’est un vrai saut dans la pratique institutionnelle et financière de l’Europe, et cela suppose, conformément à toutes les décisions budgétaires, une ratification de tous les parlements nationaux. Il faudra obtenir l’unanimité"
Dans un entretien avec Ouest France (certainement l’un des plus europhiles des grands quotidiens français) , le Président Macron précise un point (technique) important sur le financement du “plan de relance franco-allemand" : selon lui, rien n’empêcherait - juridiquement - les 500 milliards annoncés par la France et l’Allemagne d’être pleinement intégrés dans le budget tant sous la forme de recettes (emprunt) que de dépenses (subventions).
Ainsi, il estime que le budget de l’UE peut être le cadre dans lequel transitent à la fois : les sommes empruntées, les transferts effectués ainsi que … le remboursement en intérêt et principal de l’emprunt.
Serait-ce vraiment une “première” ?
Pas vraiment. Nous avions relevé dans une précédente note du 2 Mai 2020 que :
“Depuis son origine même (cf. emprunts CECA), le budget de l’UE sert déjà de support à un grand nombre d’opérations d’emprunt/prêts de natures variables (notamment pour le Plan Juncker/Invest EU)/...(1).
On retrouve d’ailleurs la trace - et la base juridique - de ces opérations dans le budget lui-même où il est spécifié que certains emprunts bénéficient de la garantie constituée par le budget de l’Union (2).”
C’est grâce à l’insistance combinée de MMes Merkel et von der Leyen que cette éventuelle budgétisation de l’emprunt de 500 milliards (correspondant à près de trois fois le budget général de l’UE pour 2020) pourrait être effectuée. On sait que la France préconisait au départ de placer cet emprunt hors budget sous la forme d’un “special purpose vehicle” (un de plus …) de nature intergouvernementale.
Il reste à voir si le service juridique du Conseil (ou un État membre) ne contesteront pas une telle réforme du système budgétaire européen à traité constant - et notamment si une révision formelle du plafond des ressources propres s’avèrerait nécessaire pour budgétiser l’emprunt en ressource propre de l’UE. .
Si cette proposition voyait le jour sous l’exacte forme annoncée, elle constituerait une avancée considérable pour le financement du budget dont la marge de manoeuvre pourrait être ainsi considérablement accrue … sans pour autant grever les budgets nationaux par la voie des contributions nationales.
On saura bientôt si la Commission intègre cette formule dans ses très prochaines propositions formelles pour le Recovery Plan et pour cadre financier pluriannuel 2021/2027.
Comme l’exprime le Président Macron, ce serait "un vrai saut dans la pratique institutionnelle et financière de l’Europe”.
Jean-Guy Giraud 21 - 05 2020
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1) OPERATIONS D’EMPRUNTS ET DE PRETS — EMPRUNTS ET PRETS GARANTIS PAR LE BUDGET DE L’UNION (A TITRE INDICATIF) (JO L 57 du 27/02/2020 p. 1833) "Cette annexe fournit des informations sur les montants des opérations d’emprunts et de prêts garanties par le budget de l’Union: prêts de soutien à la balance des paiements, assistance en vertu du mécanisme européen de stabilisation financière, opérations d’emprunt visant à fournir une assistance macrofinancière aux pays tiers, emprunts Euratom destinés au financement de l’ameélioration du degré d’efficacité et de sûreté du parc nucléaire de certains pays tiers et prêts de la Banque européenne d’investissement à certains pays tiers. Au 31 décembre 2018, l’encours des opérations couvertes par le budget de l’Union s’élevait à 82 468 080 471 EUR, dont 50 437 225 468 EUR à l’intérieur de l’Union et 32 030 855 003 EUR à l’extérieur (intérêts courus inclus, chiffres arrondis et taux de conversion applicables au 31 décembre 2018). (2) On peut d’ailleurs envisager que, à l’occasion de ce Plan, cette “annexe indicative” soit remplacée par une nouvelle et véritable section du budget consacrée aux “Opérations d’emprunt/prêts de l’Union” et votée/autorisée en même temps que l’ensemble du budget. Cela apporterait plus de clarté, de sécurité juridique et de légitimité à un moyen de financement plus souple et mieux adapté à certaines interventions financières de l’UE.
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