Dans son état actuel, l’Union européenne demeure un ensemble proto et pré-fédéral dans lequel coexistent des États dirigés par des gouvernements aux majorités successives et instables.
Gouvernements dont les positions vis à vis du processus d’intégration européenne sont elles mêmes variables et souvent opposées.
Toutefois on peut distinguer deux catégories communes dans lesquelles les États peuvent se retrouver sinon se rassembler.
La première concerne les grandes tendances politiques de type classique : droite, gauche, centre et extrêmes.
Ces tendances se manifestent principalement à l’occasion des élections européennes lors desquelles les partis politiques européens transnationaux s’efforcent de dégager des positions communes - et elles se concrétisent au sein des groupes politiques qui siègent au Parlement européen. Elles sont également prises en compte lors de la re-constitution post électorale des Institutions telles que la Commission.
La seconde dépasse/transcende les clivages politiques classiques : elle concerne le degré d’engagement européen des États, partis et groupes politiques.
Une majorité de ceux-ci sont favorables aux finalités du projet européen même si ils peuvent différer sur les priorités et l’orientation des diverses politiques communes.
Jusqu’à une date récente, cette alliance de fait dominait assez largement le paysage politique européen et se reflétait dans la composition des Institutions (Conseil européen, Parlement, Commission) dont elle inspirait les positions et décisions.
Mais, à la différence de la première catégorie, celle-ci n’a pas fait l’objet d’une identification ni d’une mobilisation claires et durables .
La situation a progressivement changé du fait de l’émergence de tendances sceptiques voire hostiles vis à vis du projet européen dans un nombre croissant d’États membres, tendances qui se reflètent à présent dans les électorats nationaux et européen. Ce phénomène - au départ surtout lié aux récents élargissements de l’UE - affecte à présent de grands anciens États membres tels que l’Italie et la France.
Et il se développe alors même que la nécessité d’un renforcement de l’Europe n’a jamais été aussi pressante qu’aujourd’hui du fait de circonstances économiques et politiques particulièrement difficiles voire menaçantes - tant sur le plan interne qu’international.
Dès lors, on peut s’interroger sur l’opportunité d’un regroupement plus formel, plus structuré et plus opérationnel de l’alliance des gouvernements, partis et groupes politiques pro-européens.
En d’autres mots, il s’agirait de créer une sorte de front européiste susceptible de peser conjointement non seulement au sein des Institutions - mais aussi lors des élections européennes où les partis nationaux pro-européens, emportés par les clivages et les problèmes domestiques - délaissent les enjeux européens sur lesquels ils pourraient pourtant bâtir des plate-formes communes.
En résumé, une sorte de « coopération pro-européenne renforcée », capable de définir des positions communes sur les grandes décisions de l’UE - par exemple en matière budgétaire (ressources propres, cadre pluriannuel), financière (Eurobonds, marché des capitaux), climatique, institutionnelle, etc … Mais surtout dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité où les menaces se font de plus en plus pressantes.
Ce même « front » pourrait aussi - si nécessaire - se constituer en avant-garde pour débloquer certains dossiers en initiant des actions communes sous une forme intergouvernementale provisoire.
Certes, de façon plus ou moins aléatoire, de telles alliances sont déjà à l’oeuvre au coup par coup dans la pratique quotidienne des Institutions. Mais elles sont trop ponctuelles et précaires pour influencer globalement l’évolution de l’UE.
Certes, le risque existe que ce front matérialise une coupure - ou au moins un certain antagonisme - au sein de l’Union. Mais il se peut aussi qu’il produise un effet bénéfique d’entrainement capable de séduire les forces réfractaires ainsi placées devant un choix, une alternative clairs.
On a déjà vu, dans le passé, la constitution d’embryons d’alliances de ce type au niveau des gouvernements et sur des sujets particuliers - un des plus récents étant celui des « Amis de la majorité qualifiée » au sein du Conseil.
Dans l’optique de la présente note, il s’agirait en quelque sorte d’un regroupement plus ambitieux de ceux que l’on pourrait appeler … « Les Amis de l’Union européenne » - qu’ils siègent au Conseil européen ou au Parlement.
Dans le climat d’incertitude actuel, ce re-regroupement pro-européen pourrait - par exemple - mener de concert l’initiative pressante de « réforme de la gouvernance de l’UE » qui risque fort d’être enterré faute de matérialisation d’un front dédié.
Jean-Guy Giraud
26 - 06 - 2024
__________________________________
NB la notion de Front européen avait été plus amplement développée sur ce blog à l’occasion des dernières élections européennes :
Comments