Quelle peut-être l’attitude de l’UE et des ses Etats membres vis à vis des préparatifs russes d’ interventions hostiles de diverses natures vis à vis de l’Ukraine ?
L’UE peut-elle se limiter à dénoncer ces préparatifs et ajouter à la surenchère russe alors même qu'elle ne dispose pas de véritables moyens ni de contre-mesures pour s’y opposer? Et que ses Etats membres - au demeurant divisés sur le sujet - n’ont pas véritablement l’intention de s’engager dans un conflit ouvert avec la Russie ?
Le meilleur rôle que pourrait jouer l’UE dans cette affaire ne serait-il pas de tenter une négociation avec la Russie dans le domaine économique ? Par exemple de proposer à la Russie une revitalisation de l’Accord de partenariat et de coopération entré en vigueur en 1997 mais “gelé” depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine (1)?
Cela reviendrait à essayer de déplacer le conflit du terrain purement sécuritaire vers des perspectives à la fois moins destructives et plus profitables à l’ensemble des Etats et des populations concernées.
La meilleure illustration d’une telle orientation émane d’ailleurs … de la diplomatie russe elle-même. En 2017, à l’occasion du vingtième anniversaire de l’accord UE-Russie, la Mission Permanente de la Russie auprès de l’UE célébrait ainsi cet accord (2):
“Today’s anniversary is undoubtedly an invitation for us to reflect on the promising potential of constructing a genuinely equal and mutually beneficial Russia-UE partnership based on respect for each other’s interests”
Et le texte concluait :
“We are confident that long term interests of our countries ans peoples born in a common “European cradle” will ultimately prevail over fleeting political considerations. (…) The prospect of creating a common economic and humanitarian space from Lisbon to Vladivostok is growing in importance”.
Certes, depuis 5 ans, l’attitude du pouvoir russe a beaucoup évolué - mais le bien fondé objectif de la position prise à l’époque demeure.
C’est d’ailleurs une préconisation comparable qu'a faite le Parlement européen dans sa plus récente prise de position sur les relations UE/Russie (3) :
“(…) L’Union devrait présenter au peuple russe des propositions concrètes de coopération mutuellement bénéfique”
Plus précisément, la résolution parlementaire ajoutait :
"La stratégie de l’Union envers la Russie doit combiner deux objectifs majeurs : premièrement, mettre un terme à l’agression extérieure (…) du Kremlin et deuxièmement s’engager aux côtés du peuple russe et l’aider à construire un autre avenir qui profiterait à tous les peuples du continent européen (…)”.
Certes, cette perspective de contournement, de sortie par le haut de la situation conflictuelle présente peut être qualifiée de dépassée par les évènements et donc illusoire voire angélique.
Elle n’est pas pour autant dénuée d’intérêt. Elle permettrait à l’Union de jouer un rôle constructif conforme à ses compétences et à sa nature même - serait susceptible de trouver un écho dans l’opinion russe ainsi que dans les milieux d’affaires qui gravitent autour du pouvoir - pourrait obliger le Kremlin à prendre en considération (quitte à la rejeter) une autre stratégie que celle de l’affrontement tout en sauvant la face sur le plan diplomatique.
On peut d’ailleurs considérer que plusieurs Etats membres de l’Union - par exemple la France, l’Allemagne, l’Italie ainsi que plusieurs membres scandinaves - seraient susceptibles d’amorcer un tel positionnement de l’UE.
L’Union en tant que telle n’a pas de contentieux historique avec la Russie. Elle ne dispose pas d’une armée menaçante et n’a aucune volonté de conquête. Sa vocation et ses objectifs sont ceux d’une coopération économique mutuellement bénéfique. Elle peut proposer une vision d’un ordre européen élargi qui - au delà des questions stratégiques - offre une perspective à long terme qui dépasse les crispations actuelles sur l’Ukraine.
Évidemment, une telle proposition de la part de l’UE serait liée à - au moins - un "stand by” des manoeuvres hostiles enclenchées par la Russie. Ce qui permettrait - corrélativement - une suspension de la mobilisation ouverte des moyens stratégiques de défense du côté occidental. En cas de rejet par la Russie de la main ainsi tendue par l’UE, ces moyens devraient être activés. Face à une nouvelle agression contre un Etat associé à l’Union et situé à sa frontière, l’Union se trouverait en fait en situation d’auto-défense.
Il est certes difficile de savoir quels buts poursuit précisément la Russie de Poutine non seulement en Europe mais sur tous les terrains extérieurs où elle s’est engagée ou fourvoyée. Et les inquiétudes occidentales sont justifiées. Pour autant, il importe de ne pas tomber dans le piège de provocations qui font sans doute partie d’une stratégie délibérée. Directement menacée à ses propres frontières, l’UE ne doit pas forcément adopter la même attitude que ses plus lointains alliés américains ou britanniques dont, par ailleurs, les leadership paraissent présentement mal assurés.
L’option binaire appeasement/containment du siècle dernier devrait pouvoir être dépassée et une autre au moins proposée. En Russie, comme partout ailleurs, la société évolue et les dirigeants se succèdent à plus ou moins long terme. Et ce pays est lui aussi confronté à d’autres problèmes qui sont, eux, plus réels, plus durables et plus pressants que l’”occidentalisation” préendue de l’ancien glacis soviétique : la protection du climat, la lutte contre les épidémies, le développement économique, … Autant de questions sur lesquelles une “coopération” - sinon un “partenariat” - avec l’Union européenne devrait pouvoir être relancé - et en toute hypothèse proposé - dans l’intérêt mutuel.
Jean-Guy Giraud 27 - 01 2022
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