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UKRAINE ET BALKANS : L'ÉCHEC D'UNE STRATÉGIE EUROPÉENNE




La Cour des comptes européenne vient de publier coup sur coup deux rapports sur la détérioration de l’état de droit dans les 6 pays des Balkans occidentaux (candidats à l’adhésion à l’UE) d’une part et dans l’Ukraine d’autre part (1) .


Ils montrent que les aides financières considérables de l’UE fournies depuis plusieurs années à ces pays en vue d’y renforcer le système démocratique n’ont été que d’une efficacité très relative sur le terrain. En fait, toutes les enquêtes menées par diverses ONG spécialisées concluent même à une détérioration préoccupante de la situation (2).


Ce constat n’est pas nouveau et il est étonnant que la Commission - responsable de la gestion et de l’efficacité des aides - ne reconnaisse pas cet échec et n’en tire pas les leçons.


Les premières victimes de l’affaiblissement continu du système démocratique sont évidemment les citoyens de ces pays.


Mais cette dérive a aussi des conséquences plus larges d’ordre géo-stratégique car elle rend ces pays plus vulnérables à l’influence et aux pressions exercées par des puissances étrangères telles que la Russie.



En Ukraine

Dans le cas le plus préoccupant, celui de l’Ukraine, les observateurs constatent que la plus efficace défense contre la menace russe est moins une aléatoire résistance d’ordre militaire (3) - même soutenue de l’extérieur - qu’une mobilisation des forces démocratiques internes.


En d’autres mots, c’est la capacité de résistance civile forte et unie au sein même du pays menacé qui constitue la meilleure arme de dissuasion vis à vis de l’agresseur. En l’absence de soutien et de confiance des citoyens en leurs propres dirigeants, cette résistance ne peut être mobilisée efficacement. Et ce soutien dépend fortement de la nature du régime en place, de son caractère plus ou moins démocratique, de son respect des règles de l’état de droit, de l’honnêteté des ses dirigeants.


Sur ce dernier point particulièrement sensible pour l’opinion, le rapport pré-cité de la Cour des comptes sur l’Ukraine conclut sèchement quele soutien de l’UE en faveur des réformes en Ukraine est inefficace pour lutter contre la grande corruption”.



Dans les Balkans

Pour les Balkans, les enjeux stratégiques sont certes moins prégnants. Mais l’incapacité durable de l’UE à y freiner les dérives anti-démocratiques peut s’avérer déstabilisatrice à moyen terme et source de nouveaux conflits internes comme d' ingérences externes.


Ici aussi, le constat de la Cour des comptes est sans appel : "Le soutien de l'UE à l'état de droit dans les Balkans occidentaux a eu peu d'impact sur les réformes de fond” . Et le rapporteur d’ajouter : “Il est peu crédible de réformer sans cesse si aucun résultat notoire n’est obtenu” .



La nécessité d’une nouvelle stratégie

Durant la période 2014/2020, l’UE a accordé près de 9 milliards d’euros au soutien de réformes démocratiques en Ukraine et dans les Balkans. Au vu des résultats obtenus, l’UE - et en premier lieu la Commission - pourraient s’interroger sur ce bilan et remettre à plat le système d’aide - par exemple, comme le suggère la Cour, "lier l'octroi de financements aux progrès réalisés en ce qui concerne l'état de droit” .


Au total, le diagnostic dressé par l’UE depuis de nombreuses années est le bon : la crise démocratique persistante dans ces pays est le problème central qui obère leur avenir et qui menace indirectement celui de l’Union elle-même. Il était donc nécessaire qu’elle apporte son aide pour tenter de contribuer à remédier à cette crise.


Mais les moyens utilisés jusqu’ici - essentiellement sous la forme de financement à distance de projets sans réelle portée pratique - s’avèrent peu performants. En prendre acte serait le préalable nécessaire à la recherche d’une nouvelle stratégie.




Jean-Guy Giraud 21 - 01 2022

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(2) Florian Bieber (2020), The Rise of Authoritarianism in the Western Balkans, p. 139; Jelena Džankić, Soeren Keil et Marko Kmezić (2018), The Europeanisation of the Western Balkans: A Failure of EU Conditionality?, p. 89; Marko Kmezič (2020): Rule of law and democracy in the Western Balkans: addressing the gap between policies and practice, Southeast European and Black Sea Studies, p. 1-2.


(3) "In a full conflict, missiles and airstrikes would take out the energy grid, bridges, ports and railways; anti-satellite attacks would destroy the GPS system, together with the comms networks of the emergency services. The internet and cellphone networks would go offline. Sudden shortages of food, medicine and energy would sow mass panic. And that’s before the killing starts between conventional forces on the ground, at sea and in the air.” https://www.theneweuropean.co.uk//paul-mason-on-war-in-ukraine-and-why-the-west-must-act-now/


Voir aussi trois scénarios possibles d’agression russe : https://www.foreignaffairs.com/articles/ukraine/2022-01-21/day-after-russia-attacks

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