Dans une précédente note au sujet des effets de la guerre en Ukraine sur les relations entre l’UE et l’OTAN (1), nous parvenions à la conclusion que cette crise allait renforcer la dépendance de la défense européenne vis à vis de l’Alliance atlantique et donc des Etats-Unis.
Et ce, dans les deux cas de figure encore incertains :
"Si l’offensive russe devait finalement réussir et que l’Ukraine toute entière tombe sous domination russe, la protection de l’OTAN apparaitrait comme plus vitale encore pour l’UE.
Si elle échouait - ou “se limitait" à l’occupation du Donbass - l’OTAN serait considérée comme un des facteurs décisifs de la dissuasion vis à vis de la Russie”
Au total :
"Il faut donc se résoudre à une poursuite lente - à “une longue marche” - de la construction d’une défense européenne crédible et autonome “
Cette analyse est reprise dans un récent article du European Council on Foreign Relations (2) qui conclut que - en dépit des multiples déclarations d’intention et des nombreux mécanismes de coopération mis en place par l’UE - ses Etats membres ne sont pas encore prêts à mettre sur pied une véritable défense européenne - certes alliée à l’OTAN mais autonome par rapport à celle-ci.
Cette conclusion est ainsi résumée :
“ Now that NATO is rejuvenated and overhauling its whole defensive posture against Russia, no one will rush to stand up a new EU force.”
Autrement dit, de façon imagée :
“Lord, make me virtuous – but not just yet” (St Augustin)
Et l’auteur de rappeler certaines des raisons très matérielles qui expliquent la préférence des Etats membres pour des approches nationales - et donc fragmentées - de leur politique de défense :
"to preserve career structures in national armed forces,
to keeps inefficient national arms companies in business,
to allows defence budgets to support other government agendas – including employment and regional policies, and straightforward pork-barrel politics”
Dans ces circonstances, on voit mal la valeur ajoutée - du moins en matière de défense - de la “Boussole stratégique” récemment adoptée par l’UE, quelques jours seulement avant “l'invasion barbare” de la Russie en Ukraine.
Et on voit aussi que seuls une initiative et un engagement intergouvernementaux des cinq principales “puissances militaires” de l’UE (France, Allemagne, Italie, Espagne, Pologne) seraient peut-être susceptibles de faire véritablement décoller, sur le terrain, un processus de mise en place d’une véritable défense commune européenne. Processus qui pourrait être accéléré dans l’hypothèse d’une extension de l’agression russe au sein du territoire de l’UE elle-même, par exemple dans les pays baltes (3).
La conclusion de l’article du European Council on Foreign Relations est toutefois pessimiste:
“ More probably, and as usual, Europeans will wait for the US to tell them what to do, as it departs for the Pacific.”
Et, pourrait-on ajouter, les Européens croiseront les doigts pour que les prochaines élections américaines (de mid-term et présidentielles) ne rendent pas le pouvoir à la frange la plus nationaliste et isolationniste du Parti Républicain.
Jean-Guy Giraud 01- 04 - 2022
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(1) voir : https://www.lesamisdutraitedelisbonne.com/post/ue-et-otan-encore-un-moment-monsieur-le-président-des-états-unis (26 Mars 2022)
(2) voir : https://ecfr.eu/article/the-eus-strategic-compass-brand-new-already-obsolete/ (31 Mars 2022)
(3) hypothèse qui constituerait une épreuve de vérité pour le déclenchement de la clause d’assistance mutuelle européenne (voir https://www.lesamisdutraitedelisbonne.com/post/face-à-la-russie-la-légitime-défense-collective-de-l-union )
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