Le Conseil européen doit ré-examiner le double dossier Budget/Plan de relance lors de sa prochaine réunion des 17/18 Juillet 2020.
Parmi les nombreux “cavaliers” rattachés à ce paquet figurent deux propositions (de nature très différente) visant à conditionner l’octroi des fonds destinés à financer le Plan.
Compatibilité des plans nationaux avec les objectifs généraux de la relance
La première condition serait liée au contenu du plan national présenté par un Gouvernement : celui-ci devrait en effet satisfaire à plusieurs critères fixés par le Plan européen (cf. environnement, emploi, numérique, santé …).
La Commission - à laquelle a été confiée la gestion du budget général de l’UE où figurent les crédits concernés - estime qu’il lui revient (avec le concours d’un comité d’experts nationaux) de vérifier la compatibilité des plans présentés par chaque Etat. Elle accepte toutefois que le Conseil - par un vote à la majorité qualifiée - puisse contester cette décision dans un délai de quatre mois.
Bien que contraire aux prérogatives budgétaires de la Commission, cette entorse juridique pourrait être justifiée par la nature très novatrice des plans de relance - différents des dotations destinées aux fonds structurels.
Le Président du Conseil européen estime au contraire que chaque plan national - présenté par un Gouvernement et assorti de l’avis de la Commission - doit être formellement approuvé par le Conseil. Cette approbation porterait successivement sur le plan lui-même et sur chaque versement budgétaire. Le Conseil voterait soit à l’unanimité soit à la majorité qualifiée - selon les différentes versions proposées par les gouvernements.
La position du Conseil revient à usurper les prérogatives de la Commission dans l’exécution du budget. Un tel empiètement - d’ailleurs contestable juridiquement - serait un précédent fort dangereux pour l’équilibre des pouvoirs institutionnels respectifs de la Commission, du Conseil et du Parlement. Cet excès de pouvoir constituerait une sorte de motion de défiance envers la Commission, soupçonnée de manquer d’indépendance ou de faire preuve de laxisme à l’égard de certains Etats membres. D’autre part, l’exigence d’un vote unanime du Conseil reviendrait à bloquer le système ou à le transformer en un grand marchandage. Cette proposition est irresponsable et n’honore pas ses auteurs.
Respect de certains éléments de l’état de droit
La deuxième condition ne ferait pas véritablement partie du mécanisme du Plan de relance mais pourrait affecter sa mise en oeuvre dans l’un ou l’autre pays. Il s’agit de la clause dite de "conditionnalité liée à l’Etat de droit”. (1)
La Commission propose que - en vue de protéger les intérêts financiers de l’UE - tout Etat membre qui ne respecte pas certaines règles générales constitutives de l’Etat de droit (dans sa législation, son appareil de contrôle, d’enquête et de police, son appareil judiciaire, etc …) puisse se voir refuser le versement de fonds communautaires. Il devrait dans ce cas financer lui-même les dépenses concernées à l’intention de ses propres ayant-droit.
Ici aussi, les modalités de décision diffèrent selon la Commission et le Conseil. Dans ce domaine, on pourrait comprendre que le dernier mot soit laissé au Conseil (votant à la majorité qualifiée) sur proposition de la Commission.
Un tel mécanisme est attendu depuis longtemps du fait de l’évolution préoccupante du phénomène de fraude et d'utilisation irrégulière des fonds communautaires constaté dans certains Etats membres - et du fait de la difficulté d’y mettre fin (2). Ces mêmes Etats sont évidemment farouchement opposés à cette proposition qui pourrait cependant être votée par une majorité qualifiée au sein du Conseil de Ministres. Mais il est fort improbable que, soumise au Conseil européen dans le cadre du paquet Budget/Plan, elle recueille l’accord unanime des 27.
Où l’on constate, une fois de plus, les effets négatifs de l’auto-saisine abusive par le Conseil européen (statuant à l’unanimité) de questions de nature législative. Le plus souvent il en résulte soit un enterrement de la question soit une édulcoration incapacitante de son contenu.
Le paradoxe est que cette pratique s’est généralisée alors même que s’accroissait le nombre des Etats membres … affectant ainsi de plus en plus gravement le processus décisionnel. Paradoxe qui s’explique bien sûr par l’affaiblissement progressif de l’”affectio societatis” et de la confiance réciproque entre les Etats de l’UE27.
Jean-Guy Giraud 15 - 07 - 2020
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