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MAI 2022 ET MAI 1984 : DEUX DISCOURS EN PARALLÈLE



Le 9 Mai 2022, le Président Macron prononcera à Strasbourg le premier grand discours sur l’Europe de son deuxième mandat.


Il voudra sans doute présenter d’abord un premier bilan de la présidence française du Conseil. Il devrait ensuite faire part de sa vision sur la réaction de l’Union face aux grandes questions du moment : Ukraine, climat, pandémie, économie …


Mais il sera aussi amené à réagir sur les propositions issues de la Conférence sur le futur de l’Europe qui auront été formellement adoptées le 5 Mai à Strasbourg - Conférence dont il fut l’un des initiateurs. De même, il devra probablement aborder une autre question d’actualité, celle de la candidature à l’adhésion à l’UE de l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie.


Le précédent du discours du Président Mitterrand ...

Or il se trouve que, sur ces différents thèmes, il pourrait utilement se référer à un illustre précédent : celui du discours prononcé par le Président Mitterrand devant le Parlement européen à Strasbourg le … 24 Mai 1984 en qualité de Président (en exercice) du Conseil européen (1).

… sur la révision des traités …

Le Président Macron devrait d’abord prendre acte de la décision du Parlement d’ouvrir une procédure de révision des Traités sur la base de l’article 48 § 2 du TUE.


A cet égard, un passage du discours du Président Mitterand - relatif au projet Spinelli (2) - pourrait particulièrement l’inspirer :

« Et voici que votre Assemblée nous encourage à aller plus loin dans cette voie en nous proposant un projet de traité instituant l'Union européenne (projet Spinelli) (…)

A situation nouvelle doit correspondre un traité nouveau, qui ne saurait, bien entendu, se substituer aux traités existants, mais les prolongerait dans les domaines qui leur échappent. Tel est le cas de l'Europe politique.


Pour une telle -entreprise, mesdames et messieurs, la France est disponible. M'exprimant en son nom, je la déclare prête à examiner, à défendre votre projet qui, dans son inspiration, lui convient. »


… sur la règle de l’unanimité ...

Dans ce même discours, le Président Mitterand avait aussi traité (déjà …) d’une question toujours d’actualité, celle de la règle de l’unanimité. Il s’était exprimé ainsi :


"Il y a tout d'abord la règle de l'unanimité, dont la pratique est poussée bien au-delà de ce que commandent les traités, et même que ne le prévoyait le compromis de Luxembourg.
Comment l'ensemble complexe et diversifié qu'est devenue la Communauté `CEE` peut-il se gouverner selon les règles de la Diète de cet ancien royaume de Pologne, dont chaque membre pouvait bloquer les décisions ?
On sait comment cela a fini. Il est temps de revenir à une pratique plus normale et plus prometteuse. »(3)

… et sur l’élargissement

Le Président Macron pourrait enfin aborder le 9 Mai 2022 la question des récentes candidatures de l’Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie.


Sur ce sujet, le Président Mitterand avait, dans le même discours de 1984 (à l’occasion de l'entrée de l’Espagne et du Portugal dans la CEE prévue pour 1986), pris position sur la question générale de l’élargissement de la CEE :


"Il est des attitudes commodes. Dire oui a priori à l'élargissement par souci de plaire aux pays candidats sans en tirer les conséquences pratiques, ou dire non quoi qu'il arrive, en refusant tout examen.
Refusons ces facilités. Certes, l'Europe se perdrait si elle devait, à mesure qu'elle grandit, se confondre avec la zone de libre échange à laquelle on continue, tout autour d'elle, d’aspirer."

Sur ce même thème de l’élargissement, le Président Macron pourrait saisir l’occasion d’expliciter ses précédentes allusions à une Europe à plusieurs étages et à différents niveaux d’intégration. A cet égard aussi, il pourrait se référer à la proposition (inaboutie) du Président Mitterand en 1989 relative à la « Confederation européenne » (4).


Ce même 9 Mai 2022, un autre discours sera prononcé, celui-là à Moscou par le Président de la Russie. En 1989, prévoyant la dissolution de l’URSS, le Président Mitterrand avait envisagé que, sous une nouvelle forme, ce pays puisse se rapprocher de l’Europe en étant associé au projet de « Confédération européenne ». L’opposition prévisible entre ces deux discours quasi simultanés, de Strasbourg et de Moscou, sera révélatrice d’un échec et d’une menace persistants pour la paix en Europe - mais aussi de la résilience d’un projet d’Union européenne auquel la France, à travers les générations, n’aura cessé de contribuer.




Jean-Guy Giraud 01 - 05 - 2022


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(2) Projet de Traité instituant l’Union européenne adopté par par le PE le 14 Janvier 1984

(3) sur les questions institutionnelles, le Président Mitterand critiquait aussi (déjà …) le rôle excessif du Conseil européen : "le Conseil des ministres, qui se voit retirer une part de sa responsabilité politique, telle que prévue par les traités, et fait ainsi du Conseil européen une instance permanente d'appel, voire une première instance, dans la conduite des affaires courantes. Cela n'est manifestement pas son rôle. Rendons son autorité à la Commission. Restituons au Conseil des ministres le moyen de mener les politiques dont le Conseil européen arrêtera les grandes lignes"

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