Le 14 Juin 2023 un navire en détresse chargé de migrants (« L’Adriana ») a chaviré au large des côtes grecques provoquant la disparition de près de 600 personnes. Avant et depuis ce désastre, de nombreux autres naufrages du même type ont eu lieu - et risquent de se reproduire au vu de la persistance de la pression migratoire maritime vers l’Europe.
Le drame de l’Adriana a suscité de nombreux débats au sein des institutions et dans la presse. Ils ont notamment mise en cause le rôle de FRONTEX (aujourd’hui l'« Agence de garde-frontières et de garde-côtes ») et ils ont provoqué la démission très médiatisée de son Directeur.
L’Ombusman européen a été chargé d’effectuer une enquête sur une éventuelle responsabilité de l’Agence dans cette affaire.
Le rapport de l’Ombudsman vient d’être publié (1) . Il exonère l’Agence de toute responsabilité directe dans le naufrage ("On ne saurait affirmer que Frontex a enfreint l’une quelconque des règles et procédures pertinentes » ). Il met plutôt en cause celle des instances grecques impliquées dans l’échec des opérations de sauvetage. Il relève notamment que l’Agence n’a pu obtenir de ces instances les autorisations nécessaires pour participer efficacement aux opérations.
Ceci ressort clairement des passages suivants du rapport :
"la coordination de toute opération de recherche et de sauvetage relevait de la responsabilité du RCR grec auprès duquel Frontex — et tout autre navire de la zone — devait suivre d’autres instructions."
"Frontex n’a reçu aucune réponse des autorités grecques à aucune de ces communications."
"le RCC grec a déclaré à Frontex que ses services n’étaient plus nécessaires."
"Frontex n’avait pas non plus obtenu l’autorisation du RCC grec pour que son avion de surveillance se rende sur le site de l’Adriana avant qu’il ne coule."
"les règles actuelles ont empêché Frontex de jouer un rôle plus actif dans l’incident d’Adriana."
À cette occasion, l’Ombudsman tire un leçon plus générale sur la dépendance de Frontex vis à vis des autorités nationales :
"L’enquête a révélé dans quelle mesure Frontex dépend des actions des États membres pour respecter ses obligations en matière de droits fondamentaux et son devoir de sauver des vies."
"Sa capacité à sauver des vies en danger est encore limitée par le fait que ce sont les autorités des États membres qui dirigent et coordonnent les missions de recherche et de sauvetage."
"La conséquence de cette situation, et l’absence d’un cadre juridique de l’UE pour la recherche et le sauvetage, est que les bateaux en détresse transportant des réfugiés et des demandeurs d’asile ne peuvent pas compter sur des opérations de recherche et de sauvetage proactives au niveau de l’UE pour effectuer un sauvetage et dépendent principalement des autorités des États membres pour le faire."
Cette sorte de tutelle des autorités nationales sur l’action de Frontex, nettement et clairement inscrite dans les textes fondateurs, avait déjà été soulignée dans deux précédentes notes auxquelles nous renvoyons les lecteurs :
Il y était notamment souligné :
la complexité de la structure de Frontex
la lourde gestion de type intergouvernemental
le maintien de la responsabilité et de l’autorité des organes nationaux
la lourdeur du dispositif confronté à des situations extrêmes
Cette analyse semble à présent confirmée par le rapport de l’Ombudsman sur le drame de l’Adriana.
Plus généralement, il est malheureux que l’inadéquation intrinsèque du système aboutisse à douter plus généralement de l’efficacité - voire de l’opportunité - d’une contribution européenne à « la garde des côtes » de l’UE.
Et il est encore plus regrettable que cette situation permette la répétition de drames tels que celui de l’Adriana - notamment lorsque les autorités nationales maritimes concernées ne sont pas en mesure d’y faire face.
Jean- Guy Giraud - 29 - 02 - 2024
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