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L' UE ET LA QUESTION LGBTIQ - suite 2



Le 15 Juillet dernier, la Commission a ouvert formellement et simultanément deux procédures d’infraction contre la Hongrie et la Polognepour violation des droits fondamentaux des personnes LGBTIQ ”.


Les chefs d’accusation sont ainsi résumés (1):


"En ce qui concerne la Hongrie, les procédures portent sur la loi récemment adoptée qui interdit ou limite en particulier l'accès aux contenus accessibles aux personnes de moins de 18 ans promouvant ou représentant des divergences par rapport à l'identité personnelle correspondant au sexe à la naissance, un changement de sexe ou l'homosexualité, et sur l'obligation de faire figurer un avertissement sur un livre pour enfants abordant des thèmes LGBTIQ. "


"En ce qui concerne la Pologne, la Commission estime que les autorités polonaises n'ont pas répondu de manière complète et appropriée à ses demandes concernant la nature et l'impact des résolutions relatives aux zones dites «sans idéologie LGBT» qui ont été adoptées par plusieurs régions et municipalités polonaises."


Plus précisément, la Commission estime que les deux Etats ont "manqué à leurs obligations" vis à vis du droit européen (art. 258 TFUE) en ne respectant pas les règles suivantes :

  • pour la Hongrie les directives sur la libre prestation des services audiovisuels et électroniques ainsi que certains articles du Traité relatifs à la libre circulation. Plus généralement - et plus gravement - la Commission estime que la Hongrie a violé certaines dispositions de la Charte des droits fondamentaux ainsi que certaines des valeurs établies par l’article 2 TUE - essentiellement dans le domaine de la non discrimination,

  • pour la Pologne, le (seul) chef d’accusation est encore plus indirect et marginal : il lui est seulement reproché de ne pas avoir répondu aux questions posées par la Commission sur le sujet concerné ("zones sans idéologie LGBT”) et d’avoir ainsi violé le “principe de coopération loyale” (des Etats envers les Institutions) établi par le traité (art.4§3 TUE). Cette injonction est probablement sans préjudice d’un recours ultérieur sur le fond même de l’affaire.

Cette double procédure d’infraction appelle les remarques suivantes :

  • sur l’opportunité de la procédure : au vu des divers et graves contentieux qui opposent ces deux Etats à l’UE, notamment dans les domaines de l’état de droit, de l’utilisation des fonds européens, de la liberté de la presse, ... - ces deux affaires ne semblent pas revêtir la même gravité ni la même urgence. On sait par ailleurs que les opinions publiques concernées sont assez ambivalentes sur ces questions de moeurs et de société - et réticentes à toute intervention extérieure dans ce domaine. Le risque existe même que les dirigeants actuels n’utilisent à leur profit, sur le plan politique ou électoral, le conflit ainsi engagé avec les Institutions. Dès lors, on peut s’interroger sur l’opportunité d’une (double !) procédure dont la Commission demeure maître du déclenchement.

  • sur la nature juridique des charges : on voit que, dans les deux cas, les manquements allégués ne sont qu’indirectement liés aux infractions supposées : atteintes à la libre prestation des services ou à libre circulation des marchandises, pratiques commerciales déloyales, absence de réponse aux demandes d’information, …

  • Toutefois, deux charges pourraient s’avérer plus sérieuses si elles étaient confirmées par la CJE : atteintes aux droits à la liberté d’expression et à la non-discrimination. On touche ici au fond du problème et la position de la Cour permettra peut-être d’éclaircir la situation sur ce type de griefs.

  • sur l’attitude de la Commission : la Présidente aurait, semble-t-il, lié expressément ces deux affaires au déblocage des fonds du Plan de relance pour les deux Etats. Maladroite politiquement, cette intervention est au surplus non fondée en droit. La seule conditionnalité attachée à la mise à disposition de ces fonds (une fois constatée la conformité avec les objectifs du Plan) est relative à la garantie de bonne utilisation des crédits telle que précisée par le règlement ad hoc adopté en même temps que le plan. Règlement dont la conformité avec le traité doit encore être confirmée par la CJE.

En conclusion, ce type d’affaires devrait inciter la Commission à appliquer les règles du Traité et de la Charte avec tout autant de discernement que de sérénité et de prudence - en tenant compte de la fragilité du contexte sociétal et politique de l’UE27. Et ce en dépit des pressions médiatiques ou institutionnelles (notamment de la part du PE) qui peuvent s’exercer sur elle.


Ici comme ailleurs, c’est d’abord l’intérêt général de l’Union qui doit être pris en compte par la Commission. En la matière, il ne semble pas que la gravité et l’urgence des infractions alléguées doive l’emporter sur toute autre considération.


En même temps, la question de la protection - an niveau européen - des minorités concernées devra nécessairement être éclaircie par la CJE et, si nécessaire et opportun, faire l’objet d’un renforcement par voie législative.




Jean-Guy Giraud 14 - 08 - 2021

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