Dans son premier discours sur "l’État de l’Union" du 16 septembre 2020, la Présidente de la Commission a passé en revue les différents objectifs de l’UE pour l’année à venir.
Toutes ses propositions correspondent bien à des actions nécessaires et souvent urgentes. Mais, comme les années précédentes, elles risquent fort de rester à l’état de …propositions.
Car la vraie question est moins de fixer des objectifs que de parvenir à les mettre en oeuvre.
Le principal obstacle demeure : la plupart des décisions correspondantes nécessitent un accord unanime des 27 États - qu’il s’agisse des “feux verts” préalables (jugés incontournables) du Conseil Européen ou des votes au sein du Conseil de Ministres.
Et il est dommage que la Présidente n’aborde ce problème central qu’au détour d’une phrase et sur le seul sujet des droits humains:
"But what holds us back? Why are even simple statements on EU values delayed, watered down or held hostage for other motives?
When Member States say Europe is too slow, I say to them be courageous and finally move to qualified majority voting – at least on human rights and sanctions implementation."
Cette exigence de l’unanimité - cad du maintien du droit de veto de tous et chacun des 27 Etats membres - a freiné le processus d’intégration européenne depuis l’origine dans bien des secteurs névralgiques. Depuis l’élargissement de l’UE et la prise de pouvoir du Conseil européen, ce facteur de paralysie s’est, à l’évidence, mécaniquement et politiquement amplifié.
Et cependant, ni la Commission ni le Parlement européen ne se sont encore résolus à l’affronter par la seule voie possible : celle de la modification des dispositions du Traité. Modification au demeurant très simple sur le plan juridique et pouvant être assortie de certaines conditions et limites.
Nous avons souvent ici abordé cette question.
Et souligné que, faute de suppression ou au moins d’aménagement de ce handicap majeur, l’UE sera réduite soit à l’immobilisme soit au recours à des accords intergouvernementaux en dehors du cadre communautaire.
Laisser les citoyens décider eux mêmes ?
Certes, on peut prévoir la farouche opposition de certains États membres et le manque d’enthousiasme des autres - comme ce fut le cas dans le passé pour toutes les grandes réformes institutionnelles.
Mais l’expérience a montré qu’une fois adoptées, ces réformes sont finalement passées dans les moeurs et n’ont pas été remises en cause : ce fut notamment le cas pour le Traité de Lisbonne lui-même.
Si aucune Institution ne parvient à prendre une telle initiative, peut-être faudra-t-il poser directement la question aux citoyens européens eux-mêmes. Une occasion proche se présente : celle de la Conférence sur le futur de l’Union.
Au lieu d’en faire une sorte de énième Eurobaromètre, mettons cette assemblée populaire en mesure de se prononcer sur cette question centrale. Le Parlement européen qui participe à son organisation devrait, au moins, exiger que le maintien ou l’adaptation de la règle de l'unanimité figure formellement à l’ordre du jour - et éventuellement présenter une proposition précise.
Le fera-t-il - en dépit de l’opposition probable (unanime ?) des chancelleries? Nous devrions être bientôt fixés.
Jean-Guy Giraud 16 - 09 - 2020
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