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DE “VRAIES” PRIORITÉS POUR LA NOUVELLE COMMISSION ?



Le temps des priorités

Avec le renouvellement des Institutions survient le temps de la réflexion sur le “programme” d’action de l’Europe pour les cinq prochaines années.


Cet exercice - à la fois introspectif et prospectif - est régulièrement mené par l’UE. On ne compte plus les conclusions du Conseil Européen, les livres blancs de la Commission et les rapports du Parlement relatifs à “l’avenir de l’Union”.


Mais on est (à nouveau …) tenté d’écrire que ce prochain quinquennat est d’une importance particulière, même s’il n’est peut-être pas celui de “la dernière chance”.


Au vu des problèmes et difficultés de toute nature qui se présentent aujourd’hui à l’Union (les fameux “défis”), il est clair que des priorités claires d’action devraient être dégagées.

  

Qui les fixera ? 

Le Traité donne au Conseil européen la responsabilité expresse de “définir les orientations et les priorités politiques générales” de l’UE (art. 15§1 TUE). S’il s’acquitte régulièrement de cette tâche, il le fait effectivement de façon très “générale”, du fait notamment de la difficulté de réunir un consensus sur des objectifs précis et opérationnels.


Le Parlement - dans des rapports d’”initiative”- s’est à juste titre octroyé le droit non seulement de commenter les orientations esquissées par le Conseil mais aussi de présenter sa propre vision de l’avenir proche ou lointain de l’UE. Y compris en présentant régulièrement des propositions sur une meilleure utilisation des potentialités des Traités voire sur des révisions de ceux-ci. Il s’apprête d’ailleurs à participer - en parallèle avec le Conseil - à un l’exercice de programmation d’actions à entreprendre pendant son mandat.


En fait, c’est sans doute la Commission - dans sa mission de "promotion de l’intérêt général et de prise des initiatives appropriées” (art. 17§1 TUE) - qui semble la mieux placée pour apprécier les véritables priorités du moment.


Son expertise et sa collégialité le lui permettent et sa responsabilité politique l’y oblige. Le rôle - et la personnalité - du futur Président seront à cet égard essentiels. Mais il ne pourra vraiment s’en acquitter que si son collège tout entier est à la hauteur de cette tâche. Collège dont, selon les Traités, la composition devra être agréée par lui et dont la répartition des fonctions sera de sa seule responsabilité (1).


Trois exemples

Ces priorités - pour être utiles - devraient être en nombre limité et se concentrer sur quelques points essentiels situés au dessus et en amont de l’activité générale de l’Union. Elles devraient, par nature, être menées de façon conjointe, parallèle et non hiérarchisée. Certaines seraient de la compétence expresse de l’UE, d’autres de nature plus politique. On peut tenter ici - en fonction de la situation actuelle à l’intérieur et autour de l’UE - d’avancer au moins trois thèmes de natures différentes : 

  1. la protection du climat : il s’agit d’une véritable urgence matérielle, démontrée de façon scientifique et ressentie comme telle par l’opinion (2). Des initiatives de grande ampleur et une mise en oeuvre rigoureuse - voire brutale si nécessaire - devraient être prises rapidement dans tous les domaines touchant à l’environnement (3). Sa protection - ou plutôt sa restauration - devraient non pas accompagner mais conditionner toutes les autres politiques communes. Pour cela, on pourrait imaginer que le premier vice-président de la Commission en soit chargé et doté de larges compétences. 

  2. la préservation de l’"État de démocratie” : la récente et brutale dégradation - dans un nombre croissant d’États membres - du respect des valeurs qui fondent la démocratie (cf. art. 2 TUE) doit être stoppée tant que cela est encore possible. Elle menace non seulement les sociétés concernées mais plus largement l’unité même de l’Union : aucun projet commun ne pourrait se poursuivre avec des États qui s’affranchiraient des règles démocratiques de base. La Commission - qui est chargée de "surveiller l’application du droit de l’Union” (art. 17 TUE) - devrait dorénavant tout mettre en oeuvre pour réprimer systématiquement les atteintes graves à ce principe.

  3. le renforcement de l’indépendance économique de l’Union : l’environnement international de l’UE se modifie à grande vitesse. Sa situation économique (et donc sociale) se trouve fortement précarisée par l’agressivité et le non-respect des règles établies de la part des principales grandes puissances. Le système financier international pourrait se trouver à la veille d’un nouvelle crise de grande ampleur. La"défense économique” - au sens général du terme - pourrait devenir, dans les cinq prochaines années, une des préoccupations les plus pressantes de l’Union. Les politiques commerciale et monétaire sont de la compétence exclusive de l’UE (art. 3 TFUE). La Commission serait donc en mesure d’engager et/ou de proposer un vaste programme de protection économique regroupant et renforçant toutes les actions possibles dans ce domaine.

Un changement de paradigme

Lors de son entrée en fonction, la Commission Juncker s’était fixé … dix priorités (4) de caractère sectoriel (emploi, numérique, énergie, marché intérieur, ...) et quelques priorités de caractère horizontal (“better regulation”).


Il appartiendra à la nouvelle Commission de poursuivre ou, au contraire, de modifier, de “politiser” assez radicalement cette approche. Ce serait, il est vrai, une sorte de changement de paradigme qui bousculerait les habitudes et éveillerait quelques réticences parmi les États membres. Mais cela pourrait aussi contribuer à dé-bureaucratiser l’Institution, à accroitre son poids politique et à renforcer son image et sa légitimité vis à vis de l’opinion. Après tout, les priorités mentionnées ci-dessus sont des exemples de celles qui intéressent vraiment les citoyens et qu’ils peuvent faire leur.



Jean-Guy Giraud  10 - 06 - 2019

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(3) Même si les Traités des années soixante - non modifiés depuis sur ce point - ne donnent pas à cette action la priorité qu’elle revêt aujourd’hui.

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