Dans son discours sur l’Etat de l’Union du 14 Septembre 2022 (1) - essentiellement centré sur les réponses de l’UE aux grandes crises actuelles (sécuritaire, énergétique et climatique) - la Présidente de la Commission Européenne n’a que très brièvement abordé les questions de nature institutionnelle.
Mais elle l’a fait de façon claire et nette en déclarant sans équivoque le soutien de l’Institution aux deux initiatives en cours : la convocation d’une Convention européenne pour une révision des traités et la création d’une Communauté politique européenne réunissant les démocraties du continent :
(…) « puisque nous songeons sérieusement à élargir notre Union, nous devons aussi envisager sérieusement de la réformer.C’est pourquoi je crois que le moment est venu de convoquer la Convention européenne que ce Parlement a appelée de ses vœux. »
(…) « nous devons nous efforcer d’élargir ce noyau de démocraties. La façon la plus immédiate consiste à approfondir nos liens et à renforcer les démocraties sur notre continent.C’est pourquoi je soutiens l’appel en faveur d’une Communauté politique européenne — et nous présenterons nos idées au Conseil européen. »
Par ces deux courtes mais fermes déclarations, Mme Von der Leyen engage officiellement la Commission dans les deux processus devant conduire à la fois à un renforcement de l’UE elle-même (accompagnant son élargissement) et à la création d’un front démocratique commun pan-européen. Conformément à la ligne - assumée par la Présidente - d’une Commission « politique », l’ Institution devient ainsi partie prenante et agissante de ces deux initiatives complémentaires. Dans les deux cas, Mme von der Leyen annonce qu’elle présentera des propositions ou des orientations au Conseil européen.
En matière de révision des traités, la contribution de la Commission à l’initiative du Parlement est logique et bienvenue. Le poids combiné de ces deux Institutions ne sera pas de trop pour convaincre les gouvernements encore hésitant à se lancer dans cette réforme de nature constitutionnelle. Elle fournira d’autre part sa caution et son expertise à l’appui des propositions qui seront faites par le Parlement avant la fin de 2022. Peut-être même ces propositions seront-elles présentées communément par les deux Institutions.(2)
Pour la création de la Communauté politique européenne, les choses se présentent différemment. Cette proposition d’origine française déborde du cadre de l’Union et se veut de nature inter-gouvernementale. Toutefois, l’UE y serait partie prenante en même temps que ses Etats membres. Dans le cadre de ses compétences, elle constitue en effet un acteur majeur au soutien des valeurs démocratiques, tant au sein des 27 que dans ses relations avec les pays tiers. Au sein du cénacle de la CPE rassemblant les chefs d’Etat et de gouvernement des pays démocratiques du continent, les Présidents de la Commission et du Conseil européen y auraient donc leur place - ainsi d’ailleurs, peut-être, que le Président du Parlement européen.
Au total donc, et à ce stade du moins, les choses semblent se présenter de façon plutôt positive. Le formidable défi lancé par la Russie poutinienne à l’ordre démocratique européen - et sans doute au delà - semble susciter des réactions adéquates de la part de l’Union : renforcement intérieur et coalition pan-européenne.
Les seules ombres au tableau en cette fin d’année 2022 sont les évolutions politiques et peut-être idéologiques en cours dans certains Etats membres de l’UE (ainsi que dans certains Etats candidats). Elles ne semblent pas remettre en cause les fondements des systèmes démocratiques eux-mêmes mais porter plutôt sur des questions spécifiques ou des orientations diplomatiques susceptibles de corrections et d’évolutions.
Comme souvent en matière européenne, ce sont souvent les hésitations et les lenteurs à amorcer concrètement des processus de réforme qui risquent d’empêcher leur déclenchement effectif. Dans le cas présent, l’ampleur des différentes crises à surmonter rapidement devrait servir de puissant aiguillon pour - au moins - la prise prochaine (cad dans les prochains mois) des deux décisions concernées : l’ouverture d’une Convention de révision des traités et la création de la Communauté politique européenne. L’urgente nécessité comme l’évidente complémentarité de ces deux initiatives ne sont guère objectivement contestables. Il faut donc espérer que d’éventuelles réticences - liées à des contingences politiques ou électorales nationales - seront surmontées. Cela ne sera possible que si une forte majorité des Etats concernés s’engage rapidement, collectivement et fermement. Et si figurent dans cette majorité ceux dont le poids politique (européen et international) est prédominant.
Lors des deux prochaines réunions du Conseil européen du 7 Octobre (réunion informelle) et des 20/21 Octobre 2022, les participants devraient tenir compte du calendrier politique de l’Union et notamment de l’échéance des élections européennes de Mai 2024 (2). Il serait en effet opportun que, au moment de leur vote, les citoyens européens aient une vision claire et source d’espérances sur le futur de l’Union et plus largement sur l’avenir du système démocratique pan-européen.
Jean-Guy Giraud. 16 - 09 2022
_____________________________________
Comentários