Le 2 septembre 2021, la Cour de Justice européenne a adopté un arrêt passé relativement inaperçu bien que très révélateur de l’intransigeance du Conseil sur la question de l’application de la règle de l’unanimité sur toute question relative - de près ou de loin - à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).
Les faits et le raisonnement de la CJE sont clairement exposés dans le communiqué de presse de la Cour: La Cour annule les décisions du Conseil concernant l’application de l’accord de partenariat avec l’Arménie (europa.eu).
En résumé, il s’agit de deux décisions du Conseil relatives à des modalités d’application de l’accord de partenariat UE-Arménie signé en 2017.
La Commission avait proposé une seule décision couvrant l’ensemble des dispositions de l’accord - y compris celles relatives à des sujets pouvant relever de la PESC. Cette décision unique était basée sur l’article 208 TFUE (accords internationaux de coopération au développement) - article prévoyant l’adoption des accords et des mesures d’application par un vote du Conseil à la majorité qualifiée.
Or le Conseil a scindé en deux décisions la proposition de la Commission de manière à séparer de l’ensemble du projet les mesures relatives à la PESC et à leur appliquer la règle de l’unanimité.
La Cour a jugé que cette séparation et cette distinction effectuées par le Conseil n’étaient pas justifiées - notamment au vu du caractère accessoire des dispositions relatives à la PESC par rapport à l’ensemble du texte. Et elle a en conséquence annulé les deux décisions du Conseil.
Cet arrêt (de grande chambre) de la CJE appelle plusieurs remarques :
il met en évidence le culte et la culture obstinées du principe de l’unanimité de la part du Conseil jusque dans des affaires aussi mineures que celle des dispositions concernées,
ce culte est partagé par l’ensemble des 27 gouvernements puisque la décision séparée relative à la PESC n’a pu être adoptée par le Conseil qu’à l’unanimité des voix (1),
une telle intransigeance constitue, on le sait, un obstacle majeur au développement de la politique étrangère et de défense de l'UE
l’arrêt d’annulation de la CJE pourrait ouvrir une brêche dans le champ d’application des décisions relative à la PESC qui demeurent soumises à la règle incapacitante de l’unanimité
au moins dans le cas des accords internationaux touchant à la PESC.
(À noter que la Cour a tout de même décidé - par un souci de sécurité juridique - de maintenir les effets des deux décisions annulées en attendant l”adoption par le Conseil d’une nouvelle décision conforme à l’arrêt.)
Jean-Guy Giraud 06 - 09 2021
________________________________________________
(1) y compris donc celles des gouvernements dont les dirigeants prônent publiquement le passage au vote majoritaire en matière de PESC …
Comments