L’opposition à un report
La presse a largement repris la déclaration du Ministre français des Affaires étrangères selon laquelle la France s’opposerait à un nouveau report de la date du Brexit, à présent fixée au 31 Octobre 2019.
Cette déclaration - si elle traduit la position officielle du Gouvernement - est malencontreuse.
Elle risque en effet de conforter la position du Premier Ministre britannique lui même farouchement opposé à tout nouveau report compromettant son véritable objectif : une sortie du RU sans accord dès le 1 Novembre 2019.
Elle affaiblit en conséquence la position de tous ceux qui - au sein du Parlement comme dans l’opinion - espèrent encore soit une sortie ordonnée sur la base de l’accord UE/UK - soit un retrait de la demande de sortie.
Ces deux objectifs (accord ou retrait) nécessiteraient à l’évidence un délai supplémentaire permettant notamment un “People’s Vote” sous la forme soit d’élections générales soit d’un deuxième referendum (1).
On se souvient d’ailleurs que lors du Conseil européen du 10 Avril 2019, le Président Donald Tusk - appuyé par plusieurs gouvernements (dont l’Allemagne) - avait estimé que le délai du 31 Octobre était trop court pour permettre une véritable clarification du débat tant auCommunes que dans l’opinion et avait plutôt proposé la date du 31 Janvier 2020 (date actuellement préconisée par la Chambre des Communes).
C’est le Président Macron qui avait insisté pour un délai beaucoup plus bref, conduisant ainsi le Conseil européen à fixer la côte mal taillée du 31 Octobre.
Il semble que, dans les deux cas, la position française n’ait pas été concertée avec l’Allemagne.
Une intransigeance déconcertante ...
Même si un No Deal affecterait relativement moins les intérêts économiques français que ceux de plusieurs autres États membres, les raisons de l’intransigeance française sont difficiles à comprendre.
Au delà du légitime agacement que peuvent provoquer l’indécision et l’auto-blocage britanniques, on sait que le RU traverse actuellement une des crises politiques les plus graves de son histoire dont le Brexit est plus un révélateur qu’une cause unique. On sait aussi les conséquences profondes et durables qu’une sortie sans accord - ou même avec accord - pourrait avoir, à court et moyen terme, sur les relations intra-européennes aussi bien qu’internationales.
On peut d’autre part estimer que les désordres provoqués par la crise du Brexit au sein même de l’Union - sans être négligeables - ont été jusqu’ici contrôlés et limités par les Institutions et qu’une extension de quelques mois du délai consenti au RU peut être assumée par Bruxelles (2).
D’ailleurs, il apparait assez clairement que la crise britannique approche de son dénouement même si celui-ci demeure assez imprévisible.
… et à courte vue
Au fond des choses, il semble que le Gouvernement français ait en quelque sorte - depuis de nombreux mois - acté la sortie du RU de l’UE et ne soit donc pas disposé à tenter de la prévenir. On peut même penser que ce Gouvernement s’accommode assez facilement de la perspective d’une Union sans le RU - lequel s’est souvent démarqué des positions françaises sur de grands dossiers européens et, au surplus, a toujours eu une conception plus restrictive du projet européen. D’autre part, il est clair que le départ du RU conforterait la situation pre-éminente de la France au sein de l’UE, ce qui ne serait évidemment pas pour lui déplaire.
Certains estimeront cependant que, dans une perspective géopolitique plus large et plus longue, le détachement du RU de l’Union - véritable recul de l’Histoire - affaiblirait gravement l’”ordre européen” considéré comme le seul contre-poids à l’hégémonie croissante de grandes puissances dominatrices et/ou illibérales. Ayant brisé ses liens politiques avec le continent, le RU devra inévitablement s’adosser à un autre “bloc” - le plus probable étant un étroit rapprochement avec la puissance américaine. Perdant ce qui était devenu un un “ami” historique - même si parfois dérangeant - l’UE risque dorénavant d’avoir à traiter, à ses marges mêmes, avec un “pays tiers” situé hors de sa sphère d’influence et dont la dérive déstabilisatrice ne peut que nuire aux intérêts fondamentaux de l’Europe.
Jean-Guy Giraud 10 - 09 - 2019
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