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A LA GARDE : LE SUPERVISEUR BANCAIRE EST NU !



"L’ ABE (Autorité Bancaire Européenne) n’évalue pas si les banques pourraient actuellement faire face à la crise financière de 2008”


Un constat sans appel


Telle est la très étonnante réponse de cette Autorité à un sévère rapport de la Cour des Comptes européenne relatif à l’exercice annuel de “stress-test” effectué par l’ABE en 2018 sur une sélection de grandes banques de l’UE 28. (1)


Ce rapport - très détaillé - met véritablement à nu (sans doute la première fois) la façon dont l’ABE et le CERS (Comité européen du risque systémique) “surveillent le système financier de l’Union (en vue de) prévenir et atténuer le risque sytémique”.


La Cour constate que "le scénario choisi pour évaluer la résistance des banques ne s’appuyait pas sur un choc financier déclenché par :

  • la défaillance de grandes banques,

  • la hausse brutale des taux des banques centrales,

  • l’existence d’un stock résiduel important de PNP (prêts non performants)".

Ce constat apparait :

  • déroutant dans la mesure où la création de l’ABE et du CERS - ainsi que la méthode des stress-tests - avaient précisément pour but de prémunir le systéme bancaire et financier européen contre les conséquences d’une crise du type de celle de 2008. À l’époque, le constat avait pourtant clairement été établi de l’incapacité des autorités de surveillance à prévoir de tels chocs (2).

  • préoccupant dans la mesure où les trois risques majeurs mentionnés ci-dessus sont précisément ceux que les analystes considèrent comme les plus vraisemblables dans les circonstances actuelles (3).

L 'ABE ne conteste pas


Mais le plus inquiétant est que l’ABE/CERS ne conteste pas les conclusions de la Cour, sinon sur quelques détails. Elle expose seulement les raisons qui, de fait, réduisent considérablement la portée de son action de contrôle du risque systémique : 

  • limitations législatives imposées à son mandat par les textes actuels,

  • analyses basées essentiellement sur les rapports (de qualités très inégales) fournis par les autorités nationales de surveillance,

  • insuffisance des moyens humains (7 personnes seulement …) et budgétaires dont dispose l’ABE. 

Et l’ABE/CERS admet “ ne pas être en mesure de remettre en question ou de contrôler systématiquement les travaux des autorités nationales compétentes”(4). Comme l’écrit la Cour, “en dépit de son rôle de coordinatrice, l'ABE n’a pas obtenu systématiquement d’information - ou ne disposait pas toujours des ressources pour les demander - sur les activités de surveillance des autorités nationales”.


Pour être plus précis, “l'ABE a décidé de limiter son rôle au lancement des tests de résistance, à la fourniture d’une méthodologie ad hoc et à une coordination assez large des activités (des autorités nationales)”


Le superviseur européen est nu 


Exprimé plus brutalement, le contrôle du risque systémique en Europe s’effectue toujours principalement au niveau national (5) - ce qui rend illusoire la perception d’un risque suseptible de s’étendre à l’ensemble de la zone (Zone Euro et UE28).


Une telle situation est sans doute principalement due à la difficulté intrinsèque de l’exercice: déjà difficile sur le plan national, il l’est plus encore au niveau européen du fait de la diversité des modèles et règlementations bancaires et fiduciaires selon les États.


Mais on perçoit bien aussi la réticence des autorités politiques et administratives nationales à “ ouvrir leurs livres” et accepter la supervision d’un organe “ étranger” à leurs systèmes respectifs.


Quoiqu’il en soit, il faut être reconnaissant à la très indépendante Cour des comptes européenne d’avoir alerté publiquement les autorités compétentes sur une situation d’autant plus insatisfaisante que de nombreux analystes s’accordent sur la survenance annoncée d’une crise financière et/ou bancaire internationale.


À la garde !


Le Président sortant de la BCE - sans doute accaparé par le délicat pilotage de la politique monétaire - ne s’est guère prononcé sur le problème de la supervision bancaire (dont la BCE n’est pas directement responsable).


Sa successeuse-nommée voudra sans doute s’en saisir avec toute l’énergie et l’autorité nécessaires. Il serait simplement insupportable que les carences clairement exposées il y a dix ans ne soient pas rapidement comblées au risque de faire supporter, une fois encore, aux entreprises et aux particuliers européens les conséquences d’une nouvelle crise systémique bancaire et/ou financière - d’où quelle provienne. 



Jean-Guy Giraud  14 - 07 - 2019  

________________________________  

(2) voir rapport La Rosière (2009) qui concluait que les autorités nationales  “n’ont pas été à la hauteur de leurs responsabilités” et que - pour cette raison notamment - le contrôle devait s’exercer aussi au niveau européenhttps://www.lemonde.fr/blog/finance/2009/03/05/reglementation-financiere-europeenne-le-rapport-de-la-commission-de-la-rosiere-est-une-occasion-manquee/

(3) cf. le cas de la Deutsch Bank, la politique monétaire incertaine du FRB américain et les PNP accumulés par certaines banques européennes (notamment italiennes). 

(4) de fait, l’ABE/CERS reconnait ne pas procéder à des tests de liquidités, ne pas prétendre produire “un bulletin de santé correct” ni donner d’"assurance de qualité”, ne pas effectuer pas d’inspections sur place, etc …

(5) la Cour note d’ailleurs que, "dans plusieurs cas, les autorités nationales (essentiellement les banques centrales) et les banques ont publié une image faussée de l’impact de la crise simulée sur la situation financière de celles-ci."

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