Après avoir désigné leurs têtes de listes, les états majors des principaux partis politiques français s’apprêtent à dresser les listes complètes de leurs candidats pour occuper les 81 sièges disponibles au sein du Parlement européen.
Indépendamment de leurs orientations politiques, l’aptitude des candidats pour exercer le mandat très spécifique de parlementaire européen devrait être mieux prise en compte. L’expérience des dernières mandatures a en effet montré que l’influence des députés français s’était considérablement affaiblie, le plus souvent du fait de qualifications insuffisantes.
Dans une précédente note relative à l’élection de 2019 (1), nous avions essayé de dégager « les critères des bons candidats » rassemblés sous trois angles : compétence, disponibilité et engagement.
Nous reprenons ici ces critères :
Compétence
Quatre catégories de compétences semblent primordiales :
capacités linguistiques : il est impératif qu’un député européen puisse s’exprimer dans d’autres langues que la sienne. Si l’anglais courant est une nécessité absolue, la connaissance d’autres langues européennes est un atout considérable - notamment celle de l’allemand,
culture européenne : une bonne connaissance générale de départ des Institutions et mécanismes communautaires est indispensable. La familiarité avec un secteur particulier de l’action communautaire (économique, social, juridique, diplomatique, …) est un gage d’efficacité pour le travail en commission. Une expérience préalable (directe ou indirecte) des questions européennes - ainsi que des contacts pré-établis dans les milieux européens - constituent aussi un sérieux avantage (1),
ouverture à la négociation : la capacité de poursuivre des négociations internes au PE - ou inter-institutionnelles - en vue de dégager des solutions transactionnelles est particulièrement précieuse. C’est, en fait, le travail quotidien du député européen qui exige une grande aptitude au compromis.
esprit d'indépendance : au Parlement européen plus qu’ailleurs (2), les risques d’influences - voire de conflits d’intérêt - sont importants et nécessitent une prudence et une capacité de résistance bien établies.
Disponibilité
Les spécificités du mandat européen exigent que les députés se consacrent exclusivement à cette tâche - ce qui implique notamment :
un mandat unique : l’exercice parallèle, même autorisé, d’un ou plusieurs mandats nationaux se révèle, en pratique, matériellement peu compatible avec celui de député européen,
un mandat exclusif : poursuivre l’exercice d’une profession (privée ou publique) pendant le mandat peut constituer un sérieux handicap (et induire de possibles conflits d’intérêt) . La plupart des députés y renoncent (3)
une aptitude à soutenir un rythme de travail intense dans une “matière” souvent complexe, des déplacements très fréquents et des séjours répétés dans les sièges des Institutions et dans d’autres États membres,
Engagement
Le député européen est investi d’une mission particulière : celle de participer à une entreprise “en construction”, différente par nature de la gestion des affaires publiques d’un État.
Il est donc préférable, pour que son action puisse être “utile”, qu’il soit lui-même intimement convaincu du bien fondé de cette entreprise - tout en restant libre de son appréciation sur les modalités et le rythme de cette construction.
Une partie des candidats peut avoir - au contraire - pour mission de ses électeurs de s’opposer à l’existence même de l’Union, du moins dans sous sa forme actuelle. L’expérience montre toutefois qu’une telle orientation aboutit souvent à une certaine marginalisation des députés concernés.
Les résultats de l’élection de 2019 avaient montré que ces critères n’étaient que marginalement remplis :
faible taux de reconduction des députés sortants,
pourcentage élevé de de députés appartenant à des partis d’extrême droite et gauche,
expérience ou préparation marginales de nombreux députés,
forte dispersion des députés dans les différents groupes politiques. (2)
Nous avions d’autre part, en 2019, attiré l’attention sur « les votes perdus » cad les votes portant sur des listes n’atteignant pas le seuil de 5% des voix - phénomène récurrent en France du fait du nombre important de ces listes. Et ce, en dépit des informations/avertissements fournis par les autorités et les associations spécialisées. (3)
L’élection de 2024 en France se présente sous un jour particulier et sans précédent du fait de la forte poussée probable de votes en faveur du Rassemblement national et donc de l’affaiblissement des suffrages portant sur les quatre grands partis dits « de gouvernement » : la droite et la gauche modérées - le centre - les verts. Raison de plus pour souhaiter que ces derniers candidats possèdent les qualifications nécessaires pour exercer une influence aussi forte que possible.
D’autre part, trois mois avant le scrutin du 9 Juin, près de … 25 listes ont annoncé leur participation - ce qui permet de présager à nouveau une grande dispersion et déperdition des suffrages (4).
On notera toutefois que les têtes de liste des quatre principaux partis pro-européens (Renaissance / PS / Verts / LR) sont des membres sortants du Parlement au sein duquel ils ont joué un rôle particulièrement actif (4).
Jean-Guy Giraud11 - 03 - 2024
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(2) pour une analyse détaillée, voir : https://www.lesamisdutraitedelisbonne.com/post/les-nouveaux-mpe-français-utiles-experts-et-amateurs
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