
Dans la journée du 23 mars 2019, le Conseil européen a fait insérer au Journal Officiel de l’Union le texte de sa décision de report du délai relatif au Brexit prise à la suite de sa réunion de la veille avec Mme May (1)
Ce texte retrace le cadre juridique de cette décision et reprend fidèlement les termes utilisés la veille dans les “Conclusions” du Conseil - mais il y ajoute un paragraphe déterminant relatif à l’hypothèse d’une "prorogation longue” de ce délai qui permettrait au RU de proposer “une voie à suivre” - cad de reconsidérer sa position sur le Brexit.
Ce texte est le suivant :
“Si le Royaume-Uni est toujours un État membre entre le 23 et le 26 mai 2019, il sera dans l'obligation de procéder aux élections au Parlement européen conformément au droit de l’Union.”
Et il ajoute :
“ Il y a lieu de noter que le Royaume-Uni serait tenu de publier l'avis de scrutin le 12 avril 2019 au plus tard, afin que se tiennent ces élections.”
Ce paragraphe - au ton d’injonction mandatoire - a pour effet de graver dans le marbre une des interprétations possibles des conséquences d’une “prorogation longue” du délai : si, le 12 Avril prochain, le RU demandait effectivement cette prorogation, il serait alors "dans l’obligation de procéder aux élections au Parlement européen” en même temps que les 27 autres États membres.
Ce que ce texte ne dit pas - mais qui semble incontournable - c’est que cette participation du RU à l’élection de 2019 empêcherait de mettre en oeuvre la nouvelle composition du PE (cad la nouvelle répartition des sièges entre les États) telle que décidée en 2018. Conséquence d’ailleurs déjà évoquée dans cette décision sans que son importance n’ait été vraiment relevée à l’époque.
Cette interprétation rigide du Traité risque fort de fermer la porte à l’éventualité d’une “prorogation longue" du délai et donc à la possibilité pour le RU de revoir sa position comme décrit dans notre précédente note.
D’une part, elle affaiblit la position des “anti-brexiteers” britanniques qui ont manifesté aujourd’hui en grand nombre (près d’un million …) à Londres et ont recueilli plus de quatre millions de signatures dans une pétition en ligne.
D’autre part, elle risque de dissuader certains États membres d’accepter un report qui remettrait en cause la nouvelle distribution des sièges au PE - notamment ceux qui, comme la France (+ 5 sièges), ont vu leur quota augmenter sensiblement.
La porte semble donc à présent largement ouverte au retrait effectif du RU (avec ou sans accord), au grand soulagement des Brexiteers - et, semble-t-il, des Institutions européennes qui ne souhaitent pas la remise en cause de leurs précédentes décisions péniblement élaborées.
Les torts sont certes partagés dans cette affaire : l’histoire jugera les responsabilités des uns et des autres.
Jean-Guy Giraud 23 - 03 - 2019