Le Conseil européen du 21 Mars 2019 a ouvert la porte à un “report long” de la date de retrait du RU au cas où l’accord sur le Brexit ne serait pas adopté par le RU avant le 12 avril 2019 - et si un tel report était expressément demandé par le RU (1).
L’hypothèse du "report long"
La durée de cet éventuel “report long” n’a pas été précisée - mais elle serait probablement de 6 mois à un an de manière à laisser au RU le temps additionnel nécessaire pour effectuer un choix définitif entre les 3 options possibles :
- soit une acceptation finale de l’accord de retrait qui reste en principe inchangé,
- soit un retrait de l’UE sans accord,
- soit un retrait de la décision de sortie de l’UE.
Ce choix pourrait être déterminé par un “vote populaire” (via une élection législative et/ou un referendum) effectué pendant la période du report.
La représentation démocratique du RU pendant le report
Bien que les conclusions du Conseil ne la mentionnent pas, la question de la nécessaire représentation démocratique du RU pendant la période du report (soit 6 mois ou plus) pose problème.
Elle est en principe résolue par une clause de la décision du Conseil du 18 juin 2018 (2) fixant la nouvelle composition du PE pour la législature 2019/2024.
Cette clause prévoit que si le RU est toujours membre de l’UE au début de cette législature, l’ancienne composition de l’ensemble du PE (3) reste en vigueur jusqu’au retrait effectif du RU. Une fois ce retrait effectué, la nouvelle composition entrera en vigueur à cette date.
Mais le texte ne dit pas comment concilier ces deux compositions successives ni surtout comment adapter cette composition en cas de retrait par le RU de sa décision de sortie de l’UE - tout en respectant le plafonds des 751 membres fixé par le Traité (art. 14§2 TUE) (4).
La représentation démocratique du RU en cas de maintien dans l’UE
La situation est compliquée par le fait que le Conseil a fixé au RU un délai relativement court (jusqu’au 12 avril 2018) pour déclarer ses intentions sur “la voie à suivre” en cas de non adoption de l’accord de sortie d’ici le 29 Mars 2019.
Bien que le Conseil ne l’ait pas formellement précisé, si l’”intention” du RU était de demander un "report long” de la date de retrait (pour procéder à une "clarification démocratique” de la volonté du peuple britannique par un “vote populaire”), il serait alors en principe tenu à participer aux élections européennes des 23/26 Mai en même temps que les autres Etats membres.
Dans ce cas, la composition actuelle du PE devrait sans doute rester inchangée par rapport à la législature précédente - à moins que le Conseil ne décide en urgence une adaptation de cette décision à l’UE 28 … ce qui laisse présager de difficiles négociations.
À l’évidence, forcer le RU à organiser une élection européenne imprévue - à si brève échéance et, surtout, dans la situation exceptionnelle de crise constitutionnelle qu’il traverse - est une exigence et un pari risqués. À moins de considérer que ce scrutin puisse être interprété comme le fameux “vote populaire” susceptible de trancher politiquement le triple choix évoqué ci-dessus. Hypothèse douteuse dans la mesure où les deux grands partis demeurent actuellement très divisés en interne sur ce choix et le seront sans doute encore le 23 Mai prochain ....
Une autre solution est-elle possible?
Au vu de cet imbroglio politique et juridique - tant sur le plan européen que britannique - on est tenté de rechercher une solution plus simple qui limite, sans les supprimer totalement, les problèmes évoqués ci-dessus.
Une des solutions envisagées (5) pourrait être de prolonger la durée du mandat en cours des MPE britanniques du temps nécessaire pour la "clarification démocratique” du choix définitif du RU (dans la limite du “report long” qui lui serait accordé).
Ceci permettrait - dans le cas où le choix serait de rester finalement dans l’UE - de reporter l’élection des nouveaux MPE britanniques à une date ultérieure et surtout de la tenir dans de meilleures conditions politiques. Entre temps, le RU continuerait à être représenté provisoirement par des MPE élus démocratiquement.
Dans l’UE 27, les élections de Mai 2019 pourraient se tenir à la date prévue et selon la nouvelle composition décidée en 2018.
Les 73 sièges définitifs du RU viendraient ultérieurement et durablement s’ajouter au total de 705 fixé pour l’Euro 27 pour la période 2019/2024. Le nombre total de MPE serait ainsi porté à 778, soit 27 de plus que le plafond de 751 fixé par le Traité.
Cette nouvelle composition nécessiterait un accord des 28 - y compris pour le dépassement provisoire du plafond.
On l’aura compris, la recherche d’"une autre solution" vise principalement à laisser ouvertes toutes les chances possibles pour un maintien du Royaume dans l’Union. C’est un choix politique majeur, discutable mais respectable au vu des graves conséquences de toute nature que provoquerait sa défection. Et un enjeu qui dépasse largement toute considération ponctuelle de délai ou de nombre de députés européens (6).
Jean-Guy Giraud 22 - 03 - 2019
(1) "The European Council agrees to an extension until the 12th of April, while expecting the United Kingdom to indicate a way forward," Tusk said. "What this means in practice is that, until that date, all options will remain open, and the cliff-edge date will be delayed. The U.K. government will still have a choice of a deal, no-deal, a long extension or revoking Article 50."
(3) soit 751 membres dont 75 pour la France - au lieu de 79 dans la nouvelle composition
(4) Cette dernière hypothèse a sans doute été exclue en raison du fait qu’un retrait (unilatéral) d’une décision d’un État membre de quitter l’UE était à l’époque considéré comme impossible juridiquement. Un arrêt de la CEJ a depuis infirmé cette interprétation de l’article 50 TUE
(6) voir : https://www.lesamisdutraitedelisbonne.com/post-unique/2019/03/14/LE-BREXIT-EST-NOTRE-PROBLÈME