Le pavé des 600 pages du projet d’accord de retrait du RU (“utterly incomprehensible” - un modèle du genre de la fabrique UE) est tombé ce matin sur la fourmilière déjà en état de panique avancée de Westminster.
Projet qu’aucun des Ministres, parlementaires, leaders politiques et même journalistes ne peut prétendre avoir vraiment compris - voire même lu - dans son intégralité.
Le plus étrange dans cette affaire étant que l’essentiel du document porte (sans vraiment l’éclaircir) sur la question finalement marginale de la frontière irlandaise - alors que le point fondamental des relations futures entre l’UE et le RU est à peine esquissé.
Et que le seul “mérite" de ce document - s’il était adopté - serait de confirmer la sortie du RU le 29 Mars 2019, de conserver (selon une formule complexe) le statu quo actuel des relations UE/UK pendant deux ou trois ans … et d’ouvrir une nouvelle période de négociations, et donc d’incertitude, au sujet de leurs relations futures (avec un nouveau risque de …no-deal)
Les querelles internes au sein du parti conservateur, l’illisibilité persistante de la position du Labour, les divisions générationnelles, géographiques et sociales au sein de l’opinion étant à présent à leur comble - comment sortir de cette impasse ?
“If common sense would prevail”, la moins mauvaise des issues serait peut-être de procéder, dans un bref délai, à un nouveau referendum portant sur les trois seuls choix à présent clairement possibles :
accepter le projet d’accord et donc confirmer la sortie du RU sur cette base,
refuser le projet d’accord et donc accepter une sortie sans accord,
décider le maintien du RU dans l’UE et donc retirer la demande de sortie.
Tous contre-arguments sur la faisabilité matérielle, juridique ou temporelle de procéder à un tel choix (1) devraient être écartés face à l’importance historique d’une telle décision - ainsi que l’objection (passablement méprisante) relative à la trop grande “complexité” pour l’opinion d’un choix non binaire.
Devant un tel imbroglio, ce choix vital pour plusieurs générations de citoyens britanniques ne peut plus guère être tranché que par la même voie qui a ouvert le débat : celle du referendum.
Dans la situation actuelle, la paralysie des mécanismes parlementaires classiques de la démocratie britannique doit être suppléée par une (nouvelle) expression directe - à présent “informée” - de la volonté populaire.
Ceci permettrait de présenter enfin au peuple un choix rapide, clair et simple permettant la clôture d’un débat qui n’a que trop duré.
Sans entrer dans des considérations relatives à la politique intérieure britannique, on peut estimer que le recours à un nouveau referendum - quelle qu’en soit l’issue - serait accueilli positivement et avec soulagement par une nette majorité de l’opinion modérée (2). Cela lui permettrait peut-être aussi de renouer les liens passablement distendus avec une classe politique qui, reconnaissant son échec, lui livrerait ouvertement les clés de son avenir.
Du côté de l’UE, le recours à un nouveau referendum surprendrait et pourrait même être accueilli avec quelque irritation - bien légitime après de si longs pourparlers.
Toutefois, la perspective d’un éventuel “retour au bercail” du RU (le 3ème choix du referendum) devrait être envisagée de façon positive pour des raisons plus fondamentales :
la principale serait le maintien de l’ancrage en Europe de la civilisation, de la culture, du dynamisme, de la puissance économique et politique britanniques,
l’autre serait d’éviter un affaiblissement - et peut-être une crise - internes à l’UE : dans sa situation actuelle, l’Europe a besoin de garder dans ses rangs une grande démocratie libérale respectueuse de ses valeurs.
Autant d’arguments qui mériteraient d’être, enfin, plus ouvertement débattus des deux côtés de la Manche - y compris dans le cadre des prochaines élections européennes (3).
Comme l’a exprimé Donald Tusk avec clarté à plusieurs reprises : “We are prepared for (a deal or) a no deal but we are of course best prepared for a no brexit scenario”
Pour conclure, citons les termes de l’éditorialiste du Financial Times de ce jour : “The best option would see Parliament back a referendum - a vote offering an informed choice (…) Plebiscites are rarely a sensible form of democracy. They turn to tyranny when people cannot change their minds”
Jean-Guy Giraud 15 - 11 - 2018
(2) ainsi que le montrent clairement les sondages
(3) à cet égard, la question de l’éventuelle participation du RU au scrutin de Mai 2019 (ou à une date ultérieure) devrait être ouvertement posée