
On a souvent relevé ici, à propos du Brexit, la complexité des mécanismes constitutionnels et législatifs britanniques et, finalement, leur illisibilité pour une grande majorité de citoyens (1).
Dans un tel contexte, une principe simple est souvent invoqué en dernier recours : celui de la souveraineté du Parlement - y compris vis à vis de certaines règles de nature (quasi) constitutionnelle (2).
Souveraineté permettant de trancher clairement des conflits politiques ou juridiques à première vue insolubles.
Toutefois, cette souveraineté parlementaire semble ne pouvoir s’exprimer qu’à travers des procédures elles mêmes si complexes et rigides qu’elles risquent d’en empêcher l’expression.
C’est ainsi que, selon des propos prêtés au “Commons chief clark” (Secrétaire Général ?) de la House of Commons, les parlementaires n’auraient pas le pouvoir d’empêcher un no-deal Brexit.
La plupart des MP's étaient persuadés que - en cas de no deal ou de vote négatif du Parlement sur un accord UE/UK - les Commons pourraient forcer le Premier Ministre à retourner à Bruxelles pour tenter une renégociation ou à “put the decision to the public” (euphémisme utilisé pour signifier un nouveau referendum).
Il s’avère que “c’est plus compliqué que ça …” (3)
En cas de no deal, le Parlement pourrait certes “have a vote” sur la suite que le Gouvernement entendrait donner à l’absence d’accord” mais en aucun cas ce vote ne pourrait porter sur l’acceptation ou le rejet du no deal.
Selon le Chief Clark, ce vote serait "sans effet direct” sur le Gouvernement.
La citation exacte est la suivante : “MP’s cannot legally compel ministers to take any particular course of action (…) The government could legally push ahead with its plan without parliament support” .
Dès lors, seule une "pression politique” aboutissant à une motion de censure pourrait bloquer le Gouvernement et empêcher (provisoirement) le no deal. Cette motion devrait recueillir les 2/3 des voix des membres de l’assemblée.
En d’autres termes, une majorité simple du Parlement ne semble avoir aucun pouvoir sur l’issue finale du Brexit.
D’autre part, en cas de renversement du Gouvernement, il resterait à voir comment concilier la date limite du 29 octobre 2019 avec les délais nécessaires pour procéder à la formation d’un nouveau gouvernement et/ou à de nouvelles élections.
La solution souvent avancée (des deux côtés) consisterait à négocier un deal en termes suffisamment vagues pour obtenir l’accord ou du moins la non-opposition du Parlement.
Les problèmes seraient ainsi reportés à plus tard - mais, de facto, le Royaume sortirait bien officiellement et matériellement de l’UE à la date fixée. Qui plus est, selon des termes et conditions qui ne seraient toujours pas éclaircies pour les citoyens.
Jean-Guy Giraud 29 - 10 - 2018
(2) ce qui explique les referendums n’aient juridiquement qu’une valeur “consultative”