En quittant la Maison Blanche, le Président Obama a laissé - sur un coin de son bureau - une petite note manuscrite de quelques lignes à l’intention de son successeur (https://www.nytimes.com/2017/09/03/us/politics/obama-trump-letter.html) (1).
Parmi les souhaits exprimés dans cette note figurait celle de voir les États Unis préserver leur soutien à un "World Order” pacifique, ouvert, libéral et démocrate.
On sait comment le Président Trump a pris l’exact contrepied de ce conseil en retirant - ou en menaçant de retirer - les USA de plusieurs organisations ou traités censés protéger un tel ordre mondial et en mettant en oeuvre, face à la globalisation croissante, un unilatéralisme américain ("America first") déterminé.
"Ordre mondial" par ailleurs menacé - ces dix dernières années - par l’impérialisme politique ou économique de certaines grandes puissances ainsi que par la montée de forces anti-libérales dans de nombreux pays, y compris au sein même de l’Europe.
Les risques que comporte une telle évolution ont provoqué un débat - pour l’instant plus académique que politique - sur les moyens de protéger, tout en l’adaptant aux nouvelles réalités, un équilibre mondial qui préserve un socle commun de valeurs humanistes.
Deux récentes contributions à ce débat méritent d’être remarquées.
"Foreign Affairs" et l’ordre mondial
La première émane d’auteurs américains s’exprimant dans la revue "Foreign Affairs", connue pour avoir dans le passé initié de célèbres débats sur ce sujet (https://www.cfr.org/blog/committee-save-world-order).
Son intérêt principal réside dans une proposition concrète : la création d’un “ G 9 - Committee to save the world” (2) composé des 9 principales puissances favorables à un “liberal world order” (3). Cette “coalition” aurait pour principal objectif “to maintain the ruled-based order in the hope that Trump’s successor will reclaim Washington’s global leadership role” . D’autre part, l’article insiste lourdement sur le volet militaire de l’entreprise.
Si cet article peut susciter beaucoup de réserves, il conserve le mérite d’aborder de front la question du "World Order” et de tenter de provoquer un débat ordonné autour d’elle.
Joschka Fischer et l’ordre européen
Le deuxième article - beaucoup plus court et motivé par la perspective du Brexit - émane de Joschka Fischer, ancien Ministre des Affaires Étrangères d’Allemagne (https://www.socialeurope.eu/brexit-and-the-european-order).
Il concerne plus précisément “the European Order” conçu pour éviter “a relapse into the old system of power rivalries, reciprocal alliances and hegemonic head butting”. M. Fischer estime que “ a new world order is emerging (…) Europe has one - and only one - chance to manage this historic transition” .
En somme, un "ordre européen" comme contribution à un "ordre mondial" - le concept d'“ordre”, par principe vertueux et collaboratif, étant prioritairement conçu comme une protection contre un “désordre” potentiellement destructeur.
Si l’on voit bien la caractère académique d’un tel débat face à la complexité et à la dureté du “real world” (européen comme mondial), il serait dommage de l’écarter d’un revers de main : l’histoire montre que les idées et les principes ne sont pas toujours sans influence sur l’évolution des relations internationales et sur la conduite des dirigeants.
Jean-Guy Giraud 28 - 10 - 2018
voir aussi
(1) voir aussi : http://regards-citoyens-europe.over-blog.com/2016/11/barak-obama-et-l-ordre-europeen.html
(2) en fait “to sustain an international order that’s expanded steadily since the end of the Cold War and upon which our own wealth and safety depends”
(3) France, Allemagne, Italy, Royaume Uni, Union Européenne, Australie, Japon, Corée du Sud, Canada.