Comme il était prévisible, la question de l’ “Irish border” a une fois de plus bloqué les négociations sur le Brexit lors du Conseil européen du 17 Octobre 2018.
Nous avons plusieurs fois estimé ici (1) que - en faisant de ce sujet un préalable à l’accord de retrait lui-même - l’UE s’était exposée à une telle impasse.
Plusieurs analyses récentes autorisées ont, depuis, confirmé ce point (2).
Les négociateurs se trouvent donc confrontés à une situation fort délicate:
le délai prévu pour le retrait du RU (avec ou sans accord) reste fixé au 29 Mars 2019
tout accord de retrait éventuel doit - avant cette date - être entériné par le Parlement britannique puis par le Parlement européen
l’extension éventuelle de ce délai (par accord des deux parties) est limitée par la tenue des élections européennes fixées à la dernière semaine de Mai 2019
La seule solution serait donc de dissocier la question irlandaise de l’accord de retrait et de l’inclure dans le cadre plus large du futur accord d’association UE/UK qui sera négocié à partir du 30 Mars 2019.
Il n’est toutefois pas certain que l’UE (et notamment la République d’Irlande) accepte ce report - ni que le Gouvernement/Parlement du RU réunisse une majorité disposée à s’y résoudre.
Dans ces circonstances, la perspective d’un No Deal “par défaut” et “par accident” se dessine de plus en plus clairement.
(Notons toutefois, sans développer ici ce point, que l’absence de Deal n’empêcherait pas l’ouverture de la négociation d’un accord d’association basé sur l’article 218. L'UE et le RU devraient cependant s’entendre - par voie d’un accord spécifique - sur la nature de leurs relations pendant la période transitoire)
En toute hypothèse, la question de fond demeure : il apparait clairement qu’il n’existe aucun consensus sur l’ensemble de la problématique du Brexit - ni au sein de l’appareil politique et institutionnel britannique ni dans l’opinion.
Les conditions du retrait et la nature des relations futures entre l’UE et le RU demeurent l’objet de profondes divisions internes.
Mais surtout, plus fondamentalement, c’est le principe même du retrait qui est de plus en plus remis en question : la grande manifestation anti-brexit prévue pour samedi 20 Octobre dans l’ensemble du Royaume pourrait bien faire basculer le débat.
Un exercice de clarification serait donc le bienvenu que ce soit au sein du Parlement ou de l’ensemble de l’électorat (par voie d’une élection ou d'un referendum). Mais, là aussi, les questions de procédure et notamment de délais (3) risquent d’empêcher cet exercice.
Il est toutefois de la responsabilité des dirigeants de l’ancienne et vénérable démocratie britannique de trouver une solution qui permette à la volonté populaire (directement ou indirectement) de s’exprimer clairement : l’avenir du RU ne saurait être engagé sur d’autres bases.
Jean-Guy Giraud 18 - 10 - 2018
(1) voir dans : https://www.lesamisdutraitedelisbonne.com
(2) voir notamment les articles suivants de Pierre Vimont et de l’éditorialiste du Financial times.
(3) les complexités des procédures parlementaire et referendaire exigeraient - si elles étaient appliquées à la lettre - plusieurs semaines (voire mois) de préparation d’un scrutin.