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“STAY CALM AND CARRY ON"


(Lettre adressée le 22/10/17 à un collègue, ancien haut fonctionnaire de la Commission, dans le cadre d’un échange de notes sur “ le projet européen” - re-diffusion)


Cher Pierre,

Je te remercie pour la communication de ton projet d’article et réponds (très schématiquement) à ton invitation aux commentaires - au moins pour ce qui concerne plus directement l’UE - sous la forme de quelques remarques très générales :

1. Le “projet européen" lui-même - dans son essence - n’est pas en cause, ni sur le plan civilisationnel ni sur le plan géo-politique.

C’est, en fait, le seul projet véritablement humaniste que l’on puisse distinguer dans l’ordre (ou plutôt le dés-ordre) mondial de ce début de siècle. À cet égard, les incontestables dégats provoqués par les dérives économiques néo-libérales sont un "moindre mal” par rapport aux risques globaux stratégiques, environnementaux, migratoires, etc … auxquels l’Europe est confrontée.

Les emblématiques concepts de droits humains, de démocratie, d’unité, de solidarité et même de … libéralisme demeurent à la base de ce projet et continuent d’inspirer sa mise en oeuvre. Plutôt que de “refondation” de l'Union, il conviendrait donc de parler de renforcement, de mise à jour, d’adaptation voire de correction des politiques menées pour le réaliser.

2. L’Europe est principalement "malade de ses États”

L’actualité la plus récente illustre de façon spectaculaire l’aggravation simultanée de profonds dysfonctionnements de toutes natures dans pratiquement tous les États membres. Il suffit de passer en revue la situation de chacun d’eux pour le constater : régionalismes exacerbés, déstabilisation brutale des régimes parlementaires, illibéralisme, corruption, crise des élites, replis nationalistes et protectionnistes, disparités sociales croissantes, etc…

Stratèges, économistes et sociologues se penchent sur cet étrange et subite dérive collective sans pouvoir trouver d’explication simple (ie idéologique) ou univoque.

L’UE n’est en aucune façon la cause de cette situation : elle en est plutôt la victime. Elle sert en effet de bouc-émissaire accusé de tous les maux (comme l’âne de la fable) et de prétexte à la remise en cause des valeurs qu’elle porte.

Et ce sont ces mêmes États qui prétendent diriger collectivement la marche de l’UE - ce qui constitue un double oxymore, facteur de paralysie voire de désintégration !

3. “Seules les Institutions …”

Jean Monnet avait conscience que “seules les Institutions sont sages” car elles sont à la fois la mémoire et le moteur permanents du projet européen par delà les vicissitudes qui affectent les États. S'il n’avait pas la naïveté de penser qu’elles pourraient se substituer à leurs “maîtres” que demeurent ces États, il estimait cependant que leur “haute autorité” permettrait de franchir les crises provoquées par les dérives internes occasionnelles de ces “maîtres”.

Certes, les dérives collectives et simultanées d’aujourd’hui posent - dans l’instant présent au moins - un problème de nature systémique.

Mais l’accélération de l’histoire et l’interaction des évènements - par nature imprévisibles- nous enseignent que le pire n’est pas toujours sûr et que maints retournements de situations - parfois spectaculaires - sont possibles voire probables.

4. "Stay calm and carry on”

La conclusion optimiste est donc que la balle est dans le camp de ces Institutions - en particulier de celles dont “l’indépendance" est organisée par les traités : la Commission, le Parlement, la Cour de Justice, la BEI et même … la BCE. Si elles ne peuvent, à l’évidence, s’opposer frontalement à leurs maîtres, leur devoir est de continuer à montrer la voie, de préserver l’acquis, de poursuivre leur action au jour le jour et de réparer les réformes nécessaires.

Autrement dit : “Stay calm and carry on”.

Amitiés européennes,

Jean-Guy Giraud 22 - 10 - 2017


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