On sait que la perspective de l’ouverture de négociations d’adhésion avec l’Albanie et la Macédoine du Nord a provoqué un débat sur la procédure de ces négociations telle que suivie jusqu’ici.
Suite à l’insistance de la France pour procéder à "une réforme" en profondeur de cette procédure, la Commission a finalement présenté une communication sur “la relance" du processus d”élargissement ouvrant "une perspective européenne crédible pour les Balkans”.
Les deux textes figurent ici :
proposition française
proposition Commission
Le texte de la Commission reprend plusieurs des aspects les plus techniques du texte français, mais il reste en retrait sur quelques points particulièrement importants auxquels nous nous limiterons ici :
Sur la réforme préalable de l’Union elle même :
Le texte français indique clairement que l’adhésion effective de nouveaux membres doit être précédée par une réforme de l’UE afin de la rendre plus efficace. Il ne précise pas la nature de ces réformes, notamment sur le plan institutionnel. On peut imaginer que sont notamment ici visés : la limitation du vote à l’unanimité au Conseil, la réduction du nombre des commissaires, le renforcement des règles relatives à la préservation de l’état de droit, …
La Commission, pour sa part, ne mentionne pas cette question.
Sur l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure avant toute poursuite des négociations d’adhésion
Le texte français semble indiquer que la nouvelle procédure devra s’appliquer à l’ensemble du prochain “paquet” d’élargissement aux États des Balkans - cad non seulement à l”Albanie et à la Macédoine du Nord mais aussi aux quatre autres États concernés.
La Commission est beaucoup plus vague sur ce point crucial et se contente d’estimer que - pour certains des candidats - la réforme pourra être “accommodée” avec le système en vigueur.
Sur la question de l’état de droit et des droits fondamentaux
Cette question est mise en exergue dans le texte français qui prévoit que le chapitre correspondant doit être abordé en priorité et qu’aucun autre chapitre ne soit ouvert avant son traitement effectif et satisfaisant. Il prévoit aussi que cette question doit être prise en compte lors de l’examen de tous les autres chapitres. Il est inutile de souligner l’importance majeure de cette conditionnalité.
La Commission place également cette question en tête des autres chapitres mais ne retient pas expressément les clauses ci-dessus.
Sur la cadence des négociations
Selon le texte français, les sept chapitres devraient être ouverts successivement, au fur et à mesure - et à la condition - de leur règlement satisfaisant.
La Commission, au contraire, souhaite poursuivre le schéma classique de négociations simultanées de l’ensemble des chapitres.
Pour le reste, les deux textes paraissent compatibles - y compris sur des points importants tels que la possibilité de vérification précise et continue des engagements pris par les candidats, la progressivité de l’aide financière accordée par l’Union au fur et à mesure de l’avancement satisfaisant des négociations, le contrôle accru des États membres sur l’ensemble du processus, ...
Surtout, la Commission retient l’exigence française relative au blocage - voire à la réversibilité du processus - dans le cas où l’État candidat ne remplirait plus les critères prévus ou ne se conformerait pas à ses engagements.
Il aura donc fallu l’énergique - et solitaire … - intervention de la France pour que la Commission admette enfin que “the effectiveness of the overall accession process and of its implementation must be improved further" et que "the process needs to be better equipped to deal with structural weaknesses in the countries, in particular in the area of the fundamentals."
Il faut cependant s’attendre à de fortes résistances contre tout changement de la procédure actuelle de la part d’une majorité des 27 États membres et … du Parlement européen - obsédés notamment par les risques géo-politiques éventuels de tout ralentissement du processus d’élargissement de l’Union.
Le danger d’un affaiblissement parallèle de l’unité et de la solidarité internes de l’UE - tels que confirmés par les précédents “rounds” - ne sera peut-être même pas évoqué.
Jean-Guy Giraud 10 -02 - 2020
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NB voir aussi :
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